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LBO distress : le retour de la fiducie


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La fiducie connaît un essor récent. La première assemblée générale annuelle des membres de l'Association française des fiduciaires, qui s'est tenue le 8 mai 2013, a relevé que près d'une centaine de conventions de fiducie, toutes natures confondues, ont été conclues en 2012. Le contexte de la crise a favorisé l'émergence de la fiducie en ce qu'elle pouvait permettre, dans certains cas, de rassembler les forces en présence autour d'un plan de restructuration fédérateur. La fiducie devrait donc trouver sa place parmi les outils utilisés pour la négociation des dossiers distress, dont les LBO surleveragés nécessitant une seconde vague de restructuration à court terme.

Un outil de négociation approprié

On rappellera que la fiducie est une opération par laquelle une personne, le constituant, transfère un actif ou un ensemble d'actifs à un fiduciaire qui, les tenant séparés de son patrimoine propre, agit dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires (article 2011 du Code civil). La fiducie-sûreté a plus précisément pour objet de garantir les engagements d'un débiteur à l'égard de ses créanciers. Le constituant est donc un débiteur qui transfère temporairement la propriété d'un actif à un fiduciaire avec deux issues possibles : le retour dans le patrimoine du constituant une fois payée la dette garantie ; à défaut, en cas de non-respect des échéances de la dette garantie, la réalisation du patrimoine fiduciaire au bénéfice des créanciers garantis (cession des actifs avec attribution du prix de cession aux créanciers garantis ou attribution en pleine propriété des actifs à ces derniers), à due concurrence du montant de la créance garantie restée impayée. L'idée consiste à ce que la fiducie-sûreté vienne s'inscrire dans une négociation entre les différents partenaires, sponsors, managers et prêteurs, et que celle-ci soit proposée aux prêteurs en contrepartie du bénéfice de réaménagements contractuels (covenants, amend-to-extend), de réinjections de new money et/ou d'abandon de créances. La fiducie-sûreté, en ce qu'elle emporte un transfert de propriété temporaire en faveur du fiduciaire (et le cas échéant, en cas de défaut, en faveur des créanciers bénéficiaires) et que son efficacité reste élevée en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire, procède d'une volonté des actionnaires de proposer un package optimal aux prêteurs en échange d'efforts de leur part. Dans le cas d'un LBO en difficulté, la fiducie-sûreté pourra porter sur des titres de participation d'une ou plusieurs filiales d'exploitation détenues par le holding d'acquisition, selon un périmètre à définir en fonction de montant de l'endettement rapporté à la performance des filiales.

Intérêts multiples

Les intérêts pour les parties sont multiples. Chacun sait que les banques sont réticentes à détenir/gérer des participations et donc à convertir leurs créances en capital. Une opération de lender-led sera ainsi toujours envisagée en pratique comme un recours extrême, qui s’avère pourtant nécessaire dans certaines situations, comme on a pu le constater récemment avec l'entrée au capital de la Saur des prêteurs seniors. La fiducie-sûreté portant sur des titres de participation crée un écran de protection entre la société dont les titres sont transférés à un fiduciaire et les créanciers bénéficiaires. Le fiduciaire deviendra propriétaire temporaire desdits titres et se verra confier la mission de gérer la participation, sauf aménagements particuliers. Si le lien de confiance n’est pas rompu, la direction de la société sera naturellement poursuivie par le management en place. Ce schéma est donc "confortable" pour les banques. Du point de vue de l'actionnaire (sponsor et management), l'objectif sera double : bénéficier d'efforts des prêteurs grâce au levier de la fiducie et bien entendu, rembourser le solde de la dette conformément à l'échéancier convenu avec les créanciers ainsi que, in fine, récupérer la propriété des titres de participation transférés au fiduciaire. La fiducie est une technique offrant une grande liberté contractuelle, ce qui lui permet de s’adapter à chaque situation, mais qui implique que les praticiens déterminent très précisément l'ensemble des droits et obligations des parties au contrat de fiducie, dont la mission du fiduciaire.

Optimiser la structuration fiscale

La mise en place d'une fiducie-sûreté sur titres de participation n'est pas exempte de problématiques fiscales. En effet, la fiducie est soumise à un principe de neutralité fiscale. Il en ressort trois conséquences : d'abord le régime fiscal des revenus perçus par la fiducie est équivalent à celui des sociétés de personnes translucides : les résultats de la fiducie sont imposés directement entre les mains du constituant (ils sont agrégés avec son propre résultat fiscal), ensuite les filiales fiscalement intégrées devraient sortir de l'intégration fiscale ( la question n'a pas encore été officiellement tranchée par l’Administration fiscale mais en l’état de notre analyse, l'interposition d'une entité translucide entre une société mère et sa filiale devrait interdire l’intégration de ladite filiale), et enfin le régime mère fille ne devrait pas être applicable - mais là aussi, la question n'a pas encore été officiellement tranchée par l’Administration fiscale). Dès lors, les dividendes versés par la filiale à la fiducie subiront une double imposition économique, au niveau de la filiale lors de la réalisation du bénéfice et au niveau du constituant lors de la distribution du résultat. Par ailleurs, du fait de la sortie de l'intégration fiscale, la filiale sera redevable de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, égale à 3 % des dividendes distribués.

Il apparait donc essentiel de minorer l'impact fiscal au travers d'une structuration optimisante. Un montage possible pourrait consister pour le constituant à transférer à la fiducie non seulement les titres de la filiale mais également une créance de compte courant sur cette même filiale. Cette créance pourra naître, par exemple, d'une distribution massive de dividendes ou d'une réduction de capital non motivée par les pertes opérée par la filiale au bénéfice de l'actionnaire, réalisée avant la constitution de la fiducie. En conséquence, les résultats réalisés par la société seront appréhendés par le fiduciaire non pas sous la forme d'un dividende, mais sous la forme d'un remboursement de la créance, en franchise totale d'impôt, à charge pour les parties de déterminer l'utilisation des sommes ainsi perçues par le fiduciaire. La double-imposition liée à une distribution de dividendes sera donc évitée.

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