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Covid-19 : Pas de recul brusque des LPs chez les GPs


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Après avoir reçu des analyses d'impact de la part des fonds, les investisseurs continuent à engager des capitaux dans des fonds de private equity et à pousser au déploiement de ces derniers.

L’environnement inédit imposé par le Coronavirus précipite les fonds au chevet de leurs participations. Mais de l’autre côté de la barrière, les LPs aussi demandent à être rassurés, après avoir continué à investir massivement dans le non-coté en 2019 (lire ci-dessous). La plupart des fonds ont d'ailleurs pris les devants, en envoyant une note d’information à leurs investisseurs institutionnels. « Nous avons écrit une lettre à nos LPs pour leur dire que nous sommes au front mais que, pour l’instant, nous ne pouvons pas mesurer précisément les impacts de la crise », nous glisse-t-on au sein d’un fonds régional. D’autres, se sont hasardés à aller plus loin. Dès dimanche, Trocadero Capital Partners a par exemple diffusé auprès de ses LPs un tableau listant les impacts de la crise sur la chaîne d'approvisionnement de ses participations ou encore sur leur valorisation. S'en sont suivis de nombreux appels complémentaires avec les souscripteurs. « Les réactions sont pour l'instant mesurées. A ce stade, nous n’anticipons pas de mouvement de recul violent de la part de nos investisseurs », rapporte Nicolas Gagnez, associé chez Trocadero Capital Partners. Même son de cloche chez Siparex, qui, après avoir identifié les conséquences de la crise sur ses participations, a accompagné ces dernières « dans la préparation de projections de trésorerie et dans la mise en œuvre de solutions concrètes à court et moyen terme », note Olivier Golder, directeur associé du groupe. Celui-ci ne perçoit par ailleurs pas d’inquiétudes massives, mais des prises de contact spontanées émanant plus particulièrement de family offices, comptant pour 25 % de ses souscripteurs (aux côtés de 50 % d’institutionnels et 25% de fonds de fonds). « Avec la baisse des marchés, certains ont récemment vu leur situation patrimoniale se dégrader sur une partie de leurs actifs et souhaitent donc connaître la résistance de la partie non cotée », explique Nicolas Eschermann, membre du comité exécutif et responsable Investisseurs et Développement de Siparex.

Business as usual

Nicolas Eschermann, Siparex

Nicolas Eschermann, Siparex

Parallèlement à cette communication d'urgence, les fonds s'attellent à continuer d’alimenter les fonds en cours de levée. Siparex, qui a préservé ses objectifs 2020 en la matière, assure avoir maintenu 80 % des rendez-vous investisseurs prévus avant la crise via visioconférence. L'enjeu est de taille pour la société de gestion, qui est actuellement en phase de fundraising sur la cinquième génération de sa stratégie ETI (avec objectif 3ème trimestre), de son fonds Entrepreneurs Paris et démarre le marketing en vue de la levée de son 4ème fonds de venture au second semestre 2020. « Nous allons poursuivre les meetings investisseurs et caractériser leur approche en matière d'allocation 2020, dans un contexte où les taux vont rester extrêmement bas », projette Nicolas Eschermann. Mais dans un marché composé d'investisseurs institutionnels à l'identité très différentes, toutes les sociétés de gestion ne s'en sortiront pas de la même façon. « Les first time funds s'adressant à des institutionnels de taille modeste auront certainement plus de difficultés que les autres à lever des capitaux dans les mois à venir, dans la mesure où ces LPs - souvent plus prudents - vont probablement limiter leur exposition au private equity », analyse Benjamin Bohening, vice-président adjoint Legal private equity chez Allianz Capital Partners. Et d'ajouter : « Les compagnies du groupe Allianz et les grands investisseurs institutionnels maintiendront certainement leur allocation non cotée dans cet environnement de taux négatifs ».

La liquidité en question

Nicolas Gagnez, Trocadero Capital Partners

Nicolas Gagnez, Trocadero Capital Partners

Car si le cash constitue déjà un problème pour de nombreuses entreprises, il pourrait également le devenir à plus longue échéance chez les institutionnels. « Le sujet est de savoir si la baisse que connaissent les marchés en parallèle peut générer des sujets de liquidité ou de ratio, qui inciteraient les institutionnels à revoir leurs allocations », pose Nicolas Gagnez. Même si des cas de défaillances pourraient amener des investisseurs à se désengager des fonds, cette crainte n'est pas au goût du jour chez les sociétés de gestion. « Nous avons la chance d'avoir une base d'investisseurs très solide et fidèle, notamment composée de grands institutionnels français et internationaux comme le Mouvement Desjardins, qui savent garder le cap malgré les crises, témoigne Nicolas Eschermann. En 2008, nous n’avons d'ailleurs pas eu d’investisseurs défaillants ou de phénomène de retrait et nous ne percevons aujourd'hui pas de signaux présageant de ce risque ». Avant tout recours juridique, plusieurs issues s'ouvrent aux investisseurs institutionnels. Notamment inciter les fonds à tirer sur les lignes de financement relais pour poursuivre les dealflows tout en décalant les appels de fonds. Mais cette hypothèse est souvent exclue par les investisseurs finaux. « Nos souscripteurs détestent nous voir utiliser ces mécanismes. Ils ont avant tout besoin de cashflows réguliers afin d'éviter de faire dormir leur argent sur des comptes à vue à taux négatifs », expliquait ainsi Ralph Guenther associé chez Pantheon lors d'une visioconférence organisée dans le cadre du Private Equity Summit ce 24 mars.

Des opportunités pour les investisseurs ?

La porte de secours la plus utilisée est de loin le recours au marché secondaire, dont les transactions pourraient bénéficier d'un rebond à 80 ou 100 Md$ en 2021 en conséquence de la crise (lire ci-dessous). Pantheon a ainsi « remporté la semaine dernière un mandat dédié au secondaire en raison des circonstances », assure Ralph Guenther, ajoutant que le « distressed » pourrait également être un axe privilégié par les investisseurs au cours des prochains mois. Le contexte pourrait aussi faire émerger des typologies d'entreprises plus résilientes à cet environnement. « Les crises comme celles-ci redonnent de la valeur au mouvement de digitalisation des entreprises enclenché il y a une quinzaine d'années. Les acteurs aux process déjà numérisés et aux ERP solides ont une force gigantesque, notamment dans la mesure où ils sont plus aptes à communiquer avec leur communauté », plaide en effet Nicolas Gagnez. De son côté, Siparex se tient prêt à accompagner les entreprises au rebond, voire même de profiter d'opportunités dans le cadre du redémarrage. Dans ce cadre, les conseils de surveillance de chaque fonds se réuniront à la mi-avril pour s'intéresser ligne à ligne aux véhicules et adopter des mesures pour que les participations soient dans les starting-blocks. « Une communication sera alors plus largement diffusée à tous les investisseurs de chacun de nos fonds », conclut Nicolas Eschermann.

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