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Transactions secondaires single-asset : à la conquête de nouvelles opportunités

Depuis le Covid, les transactions GP-led single-asset secondary se sont invitées permettant une sortie pour les GP. Comment bien réussir cette opération qui reste complexe. Analyse de Jasmin Capital.

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Ludovic Douge, Jasmin Capital

Les transactions appelées GP-led single-asset secondary sont des transactions secondaires portant sur un seul actif, initiées par un gérant de fonds. En 2020, ce type de transaction a connu un fort essor, en offrant aux gérants un scénario de sortie idéal pour des entreprises performantes, résilientes à la Covid-19. Selon des études menées par la revue Secondaries Investor, le volume des GP-led single-asset secondaries a considérablement augmenté en quelques années : représentant seulement 9% des volumes totaux du marché GP-led en 2018, la part des transactions single-asset a atteint 31% de l'activité GP-led en 2020, soit 14 milliards de dollars en volume. Ces dernières années, on a observé une sophistication accrue des LPs qui sont de plus en plus à l'aise avec ces opportunités single-asset. Les fonds de continuation avec plusieurs actifs restent certes le scénario secondaire le plus courant, mais les transactions single-asset présentent de véritables atouts pour un investisseur secondaire expérimenté. 

La crise sanitaire a créé une impulsion favorisant l’émergence des deals secondaires de type single-asset. D’une part, certains souscripteurs institutionnels de premier plan ont dû mener une réallocation de leur portefeuille d’investissements en réduisant leur exposition au non coté suite à des contraintes de liquidité. D’autre part, le marché M&A ayant été peu favorable, certains gérants ont cherché des solutions pour pouvoir garder en portefeuille leurs investissements phares nécessitant plus de temps pour réaliser leur véritable potentiel. La demande des LPs pour la liquidité, couplée au souhait des GPs de garder des actifs plus longtemps a généré de l’offre sur le marché secondaire des single-assets.

Le processus de vente des transactions secondaires single-asset  

Les transactions secondaires single-asset ont beaucoup de points communs avec les processus de M&A. Dans le cadre d’un processus d’enchère classique à deux tours, le conseil du vendeur prépare la documentation marketing sur la société ciblée, puis contacte les investisseurs secondaires susceptibles de s’intéresser à l’opportunité d’investissement. Après la signature d’un accord de confidentialité, les acheteurs potentiels accèdent aux informations clés de l’entreprise faisant objet de la transaction secondaire. Suite à la phase de due diligence, les investisseurs remettent leurs offres fermes, dont la meilleure est sélectionnée. Les souscripteurs du fonds vendeur se voient alors proposer l’option de percevoir les produits de cession, ou de participer au nouvel SPV pour garder leur exposition à l’actif. Une réserve de capital non-appelé peut s’ajouter dans le nouveau fonds pour financer le développement futur de l’actif sous-jacent. Un contrat de vente et d’achat est négocié, puis les titres de la société sont transférés dans le nouveau véhicule. Le nouveau fonds aura une durée de vie allongée avec de nouveaux termes économiques pour assurer l’alignement des intérêts. 

Pourquoi lancer une transaction secondaire single-asset  ?

Malgré les avantages significatifs d’une transaction secondaire single-asset, ces transactions sont complexes et nécessitent du temps et du savoir-faire. Pour un gérant, une transaction single-asset peut être une solution appropriée s’il cherche à conserver un actif plus longtemps que ne le permet la durée de vie initiale du fonds. De nombreuses sociétés de gestion ont été confrontées à cette situation lors de l’épidémie de Covid-19 lorsque la performance de leurs actifs a été affectée négativement à court terme, les empêchant d’atteindre des valorisations de sortie attrayantes. Une vente secondaire single-asset est une bonne solution pour les GPs qui souhaitent garder une entreprise à perspectives prometteuses plus longtemps dans leur portefeuille, plutôt que de la vendre et perdre une partie de la plus-value potentielle. Dans de nombreux cas, une vente secondaire single-asset évite à un gérant de devoir vendre un actif de premier ordre à un autre investisseur financier par pression de temps. De surcroît, l'opération secondaire peut permettre au GP de cristalliser du carried et de le réinvestir dans le nouveau véhicule, réalignant ainsi les intérêts entre les parties prenantes. Enfin, un single-asset peut également être l'occasion de lever du capital primaire par le biais de la transaction secondaire grâce à un composant stapled, quand l’investisseur secondaire s’engage à souscrire un montant dans le fonds successeur du GP. Du point de vue des LPs, une vente secondaire est idéale lorsqu’ils souhaitent réaliser leur investissement en vendant leur participation et en recevant les distributions rapidement. La vente secondaire peut apporter une plus-value aux LPs contrairement à une sortie forcée vers un tiers à une valorisation inférieure lorsque les conditions du marché ne sont pas propices. Les investisseurs ont toujours le choix entre une distribution ou un transfert vers le nouveau véhicule, s'ils n'ont pas de contraintes de capital et s'ils croient au potentiel de croissance de la société.

Le mid cap est aussi concerné

Si les transactions secondaires single-asset ont fait leurs débuts il y a quelques années, leur véritable ascension a commencé au moment de l’épidémie du Covid-19, qui a donné un élan sans précédent à ce type de transactions. Les gérants de fonds ont vu une opportunité attrayante avec ces fonds de continuation après la crise sanitaire, lorsque le marché du M&A était encore difficile à exploiter. Dans les situations où la sortie la plus probable était la vente à un tiers, les gérants ont souvent préféré conserver leurs actifs les plus performants pour ensuite les vendre sur le marché secondaire. La plupart des transactions single-asset ont commencé par une réflexion M&A avant de se transformer en une vente secondaire. Cette solution permet à la fois au GP de conserver l'actif le plus longtemps possible, jusqu'à ce qu'il atteigne son plein potentiel, et adresse dans le même temps les sujets de liquidité des LPs. Le marché M&A ayant été chahuté dans certains secteurs, les process secondaires single-asset se sont donc peu à peu imposés comme une voie de sortie crédible, en parallèle aux cessions, introductions en bourse ou rachats secondaires. Les investisseurs secondaires apportent désormais une plus grande attention aux transactions single-asset : la valorisation d'une seule entreprise est plus facile à gérer que la réalisation d'une due diligence sur un large portefeuille d'entreprises. L'intérêt des investisseurs secondaires pour les situations concentrées est en hausse, plusieurs fonds étant levés exclusivement sur cette stratégie. Récemment, LGT Capital Partners, basé en Suisse, a levé un fonds dédié à la stratégie single-asset pour cibler les entreprises les plus attractives des gérants de premier rang. Son fonds, Crown Secondaries Special Opportunities II, a clôturé à 1,5Md$. De nombreuses transactions de ce type sont arrivées sur le marché depuis l'été 2020, principalement des actifs matures de grande qualité. Bien que la plupart d'entre elles se situent au sein des large-cap, il existe des transactions mid-cap remarquables, telles que l'opération secondaire lancée par l'entreprise américaine Alpine Capital sur le groupe TEAM proposant des services à domicile. La société a été transférée dans un fonds de continuation d'une taille de 36 2M$, dont 100 M$ de follow-on capital, soutenu par un consortium d'acheteurs. Alpine a depuis lancé une autre opération single-asset, la vente d'une société axée sur le conseil, Ingenio. Le montant de cession de cette transaction a atteint 200 M$. Apollo Global Management, dont le siège est aux États-Unis, serait le principal acheteur de l'actif. En ce qui concerne le marché secondaire européen, nous observons une activité croissante des transactions small et mid-cap dans le segment single-asset. Ces douze derniers mois, nous avons mené plusieurs transactions de ce type, allant de 50 à 200 M de NAV.

Complexités des opérations single-asset

L'un des points les plus délicats de ce type de transactions est la gestion des conflits d'intérêt. Le gérant se trouve dans une position contraignante car il est à la fois vendeur et acheteur : il a des obligations fiduciaires envers les LPs du fonds vendeur, et simultanément il est considéré comme étant un participant du groupe d'acheteurs en raison de sa participation financière dans le nouveau fonds. Pour résoudre ce problème, il existe des pratiques de marché bien établies pour prévenir les conflits, comme l'organisation d'un processus concurrentiel intermédié, le partage d'informations étendu pour toutes les parties ou la consultation du LPAC du fonds vendeur. L'exécution de la transaction doit suivre une feuille de route bien définie comprenant les phases commerciales, due diligence, juridique et le closing. Parallèlement, un plan de communication doit être établi avec les LPs compte tenu de leur importance dans le processus. Le GP doit assurer la symétrie des informations entre les investisseurs du fonds et les acheteurs secondaires potentiels, et s'assurer que tous les LPs aient une bonne compréhension de la solution de liquidité qui leur est offerte. Afin d’assurer la réussite de la vente, le GP doit être en mesure de justifier l’opération devant ses LPs, en expliquant les avantages d'un processus secondaire par rapport à une sortie traditionnelle via un tiers. Au-delà de l’optimisation du prix de vente, le rôle du conseil est multiple, englobant la planification stratégique, le marketing auprès des investisseurs secondaires, la gestion de la due diligence, la prévention des conflits d’intérêts et la communication avec les LPs. L’utilisation d’un conseil expérimenté garantit un process limitant les frictions possibles et moins chronophage pour le GP. L’augmentation des volumes de transactions single-asset indique que le marché secondaire devient de plus en plus mature et institutionnalisé : les GPs commencent à utiliser le secondaire comme un outil de gestion de portefeuille classique. Les LPs peuvent investir dans des fonds non cotés tout en sachant qu'ils pourront obtenir une liquidité accélérée. Suivant ces tendances de marché, les investisseurs secondaires augmentent leur allocation aux transactions single-asset. Plusieurs opérations réussies témoignent de la pertinence de celles-ci.

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