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BFR : Parce qu'il le vaut bien

Dans les travaux de due diligence financière, le BFR est classiquement regardé sous un angle normatif et sa saisonnalité fait l’objet d’un simple ajustement en dette nette. Une approche innovante et différenciante consiste à l’envisager également comme un levier de création de valeur pour un vendeur en VDD ou pour un acheteur en Buy-side.

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Julien Wojciechowski et Thomas Claverie, Oderis

Dans les travaux de Due Diligence financière, les conseils de l’acheteur et du vendeur estiment le niveau de BFR normatif de la cible, soit la trésorerie nécessaire au financement du cycle d’exploitation, hors éléments exceptionnels. Ces éléments exceptionnels et les ajustements associés font l’objet d’un travail d’analyse détaillé des conseils car leur prise en compte impacte le montant de la dette nette ajustée qui sera retenu dans la valeur des titres. Le retraitement du niveau de dettes fournisseurs (retards de paiement à la clôture) ou la réintégration dans l’encours clients des factures mises en financement factor sont des exemples classiques d’ajustements.Ne doit-on alors envisager le BFR qu’à travers le prisme de l’ajustement de dette nette à un instant T et le délaisser au profit du sacro-saint EBITDA ? Faut-il ainsi le considérer comme un besoin incompressible qui diminue le prix du vendeur et conditionne le financement de l’acheteur ?

BFR = EBITDA

Nous pensons, au contraire, que le BFR est bien plus qu’un simple ajustement de trésorerie/dette nette dans un tableau de passage entre la VE et la VT ! Le BFR est de l’EBITDA qui ne s’est pas encore transformé en cash. Optimiser le BFR, c’est accélérer le délai de conversion de l’EBITDA en cash, ce qui bénéficie mécaniquement au prix. Rappelons que 1 m€ de BFR en moins, c’est 1 M€ de valeur en plus (de trésorerie nette), pour le vendeur en pré deal, ou pour l’acheteur en post deal ! D’actualité, c’est bénéficier d’un matelas de cash additionnel pour faire face à un retournement soudain et brutal de la conjoncture économique. Également, pouvoir démontrer qu’un BFR est sous contrôle est un argument fort dans une transaction qui permet d’accroître le niveau de confiance de l’acheteur et donc indirectement le prix. Comme nous allons le voir, tous les acteurs du deal ont intérêt à envisager le BFR sous l’angle de la performance, comme un élément de création de valeur. Le processus de Due Diligence est un moment parfait pour le faire.

L’optimisation du BFR représente 10% du CA

Sur le segment Small-Mid, l’enjeu d’optimisation du BFR représente en moyenne 10 % du CA, ou encore 1,5 années d’EBITDA. Ainsi, l’enjeu de diminution du BFR d’une société qui réalise 50 m€ de CA représente 5 M€ ! Sous cet angle et rapporté à la génération d’EBITDA, l’enjeu est loin d’être neutre. Ces ratios, que nous ne cessons de confirmer au fil de nos dossiers, sont cohérents avec notre expérience de missions réalisées sur du Mid ou Large cap, où les enjeux sont un peu moindres du fait
d’une culture cash et LBO plus développée sur ces grands comptes. Travailler le BFR représente donc un enjeu significatif en termes de trésorerie et de valorisation pour qui veut vendre ou acheter une société, quel que soit son segment de marché.

Pourquoi réaliser un diagnostic BFR en parallèle d’une VDD

Les raisons d’initier un diagnostic des enjeux d’optimisation du BFR en parallèle de la Due Diligence financière sont multiples :
En VDD, ce diagnostic fait sens pour le management de la cible qui identifie un plan d’actions à forte valeur ajoutée à lancer en post deal, qui lui permettra notamment d’accélérer le remboursement de la dette LBO. Pour le fonds d’investissement, c’est également un moyen de montrer aux acheteurs, par ces travaux indépendants construits et challengés avec le Management,
un gisement significatif de valeur à réaliser en post deal. C’est aussi, parfois, l’opportunité d’ajouter un argument de poids dans la négociation qui peut être à même d’influencer le prix final de la transaction. Nous l’avons par exemple constaté lors de plusieurs VDD réalisées sur ces 2 dernières années pour lesquelles nous avions inclus un diagnostic BFR, et dans lesquelles le management a intégré et donc fait prendre en compte par l’acheteur une partie de l’optimisation de BFR identifiée par nos experts, en contrepartie d’un ajustement de dette nette correspondant aux coûts à engager pour délivrer ces enjeux. Si l’arbitrage est largement en faveur du BFR et donc de la valorisation du deal, le Management engage sa capacité à délivrer les enjeux vis-à-vis de son futur actionnaire en post deal. Il aura ainsi intérêt à intégrer une partie raisonnable de ces enjeux, en général 20% des gains moyens estimés par l’expert dans le Diagnostic (soit 1 m€ pour 5 m€ par exemple).

… ou d’une Due Diligence en Buy-side

Côté acheteur (en Buy-Side), dans un marché incertain mais aux multiples toujours élevés, avec les « bonnes affaires » qui se font rares, c’est l’occasion d’ajouter un angle d’analyses opérationnelles réalisées par des experts qui démontreront que des enjeux existent et qui sécuriseront une création de valeur à aller chercher post deal. Par exemple, confirmer ou infirmer que le niveau de stocks, de créances clients ou de FAE (production non facturée) est trop important par rapport à son activité, et obtenir une fourchette d’enjeux et les actions clés à lancer, qui seront discutées avec le management une fois le deal closé pour organiser leur mise en place. Que ce diagnostic BFR ait, in fine, un impact ou non sur le prix de la transaction, il permet de mieux appréhender le fonctionnement opérationnel du BFR de la cible, ce qui peut apporter du confort et rassurer un investisseur qui hésiterait par exemple à s’engager sur un deal à l’EBITDA hautement valorisé tout en ayant des interrogations de fond sur le niveau du BFR, son fonctionnement et l’impact sur l’activité.

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