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PLF 2011 : la réforme du dispositif ISF déjà bien engagée


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Alors que la suppression de l'ISF (et du bouclier fiscal) a été confirmée par le chef de l'Etat, le débat se poursuit sur certains points de la réforme. Olivier Dumas, associé chez Dechert, la décrypte et salue les avancées positives.

L'article 14 du projet de loi de finances pour 2011 (PLF 2011), adopté par l'Assemblée Nationale le 26 octobre dernier, réalise une étape importante dans une réforme significative des dispositifs de réduction d'impôts sur le revenu (IR) et sur la fortune (ISF) dédiés au financement des PME. Il est manifeste que l'un des objectifs du législateur dans cette réforme est de réajuster le soutien financier apporté par l'Etat aux contribuables bénéficiaires au travers de ces réductions d'impôts, à un ratio rendement/risques plus équilibré, en particulier au profit de PME ayant des réels besoins de fonds propres.

A cet égard, on peut constater que le législateur s'est efforcé de combler un certain nombre de malentendus apparus lors de l'adoption de la loi TEPA du 21 août 2007, qui risquaient à terme, de discréditer les dispositifs de financement des PME, lesquels ont permis pendant plusieurs années de maintenir une activité de capital risque en France par ailleurs déclinante et sous-financée.

La réforme opère donc un recentrage des deux dispositifs de réduction d'impôts et s'efforce de les rapprocher sur des critères d'investissements similaires. Pour des raisons diverses, ces deux dispositifs n'ont pas été totalement alignés, en particulier en ce qui concerne leurs taux de réduction d'impôts (22,5% en matière d'IR, 50 % en matière d'ISF). On peut le regretter, car cette différence va prolonger les phénomènes de distorsion de concurrence qui ont pu être constatés au cours des années passées entre les deux dispositifs et ses impacts sur la valorisation des PME que cela peut générer.

Le taux de réduction ISF ramené à 50 % dans les deux cas

S'agissant plus spécifiquement du dispositif de réduction d'ISF, l'un des points les plus marquants de la réforme réside dans le fait qu'il est mis un terme à la différence de taux de réduction d'impôt entre investissement direct et investissement indirect via des fonds d'investissements. Les taux précédemment de 75 et 50 % seraient désormais de 50 % pour ces deux modalités d'investissement. Il est probable que le législateur a souhaité ainsi mettre un terme à une différentiation difficilement justifiable sur le plan fiscal et génératrice d'effets pervers.

En effet, cette différence de taux a également généré des distorsions de concurrence entre les offres d'investissements et à l'égard des PME elles-mêmes. De plus, de nombreuses offres d'investissement présentées comme directes, étaient en réalité intermédiées de différentes façon –offre au public ou placement privé d'investissement direct, ou holdings passive ou animatrice-. Si ces offres comportaient des contraintes d'investissements non négligeables –notamment pour les holdings-, ces contraintes justifiaient peu une telle différence d'avantage fiscal, laquelle a très nettement défavorisée la collecte des fonds d'investissements gérés par les acteurs traditionnels du capital risque. Enfin, et surtout, le taux de 75 % de réduction d'impôt remettait très sérieusement en cause le principe même de la réduction d'impôt qui s'apparentait moins à un soutient de l'Etat à l'investissement qu'à une garantie totale de tout risque de pertes.

Exclusions de l'éolien, photovoltaïque..

Un des autres points marquants de la réforme engagée est
l'exclusion de certaines activités du dispositif de réduction d'ISF, et ce tant dans le cadre des investissements directs qu'indirects via des fonds. Le législateur a ainsi également souhaité r
ééquilibrer le ratio rendement/risques du dispositif pour certains investissements dans des PME dont il a estimé que l'avantage fiscal ne se justifiait pas. Le plus souvent, il s'est agit d'exclure des d'activités présentant peu de risques de marché ou peu de perspectives de développement économique.
Le cas le plus marquant d'exclusion est le financement de PME ayant des activités
"procurant des revenus garantis en raison de l'existence d'un tarif réglementé de rachat de la production". Il s'agit ici de ne plus rendre éligible au dispositif ISF l'investissement dans les PME exploitant des infrastructures -éoliennes, photovoltaïques, etc.-, lesquels bénéficiaient de rachat garanti de l'électricité produite.

...mais pas par exemple celles de marchands de biens

Les autres cas d'exclusions visent le financement de PME dont les actifs seraient constitués de façon prépondérante de métaux précieux, d'œuvres d'art, d'objets de collection, d'antiquités, de chevaux de courses, de vins ou d'alcools. On peut toutefois s'étonner de cette liste limitative : ne serait-il pas souhaitable que cette liste puisse, par décret ou arrêté, être développée ou complétée ou précisée afin de ne pas exclure des activités, qui bien que figurant dans cette liste, pourraient en être exclu au cas particulier. Il est également étonnant que le législateur n'ait pas exclu certaines activités immobilières, et notamment les activités de marchand de biens consistant dans l'achat d'immeubles en vue de leur revente à la découpe, ce qui semble surprenant au regard des objectifs de recentrage du dispositif.

Prohibition de certaines pratiques visant à limiter le risque d'investissement

Le législateur a également souhaité mettre un terme à diverses pratiques consistant à permettre aux investisseurs de ne subir quasiment aucun aléa ou risque sur tout ou partie de leurs investissements ou de leur permettre d'en recevoir une contrepartie immédiate. Ainsi, est désormais clairement prohibée la pratique qui consisterait à offrir aux contribuables investisseurs, en contrepartie de leur investissement -subventionné- de tarifs préférentiels ou d'accès prioritaires aux biens ou services rendus par la PME. La mesure parait a priori pleine de bon sens, mais nécessitera en pratique certaines précisions et limites, car l'attribution de bien ou droits en nature est une modalité de rémunération de l'actionnaire sinon courante, en tout cas parfaitement légale et fiscalement valable dès lors qu'elle est réalisée à des conditions de marché.

Dans le même esprit, le législateur a appliqué aux PME la règle qui avait été mise en place pour la holding passive en 2009, selon laquelle il ne doit être offert aucune garantie en capital aux investisseurs contribuables. Cette mesure semble avoir pour objectif d'empêcher les pratiques ou montages qui consisteraient à ce que l'investissement subventionné ne soit en réalité pas destiné à répondre à un réel besoin de fonds propres de la PME bénéficiaire. Toutefois, si tel est effectivement l'objectif de cette prohibition, il nous semble que cette interdiction ne devrait pas totalement empêcher ce type de montage, car la question du réel besoin de fonds propres d'une PME ne se pose pas uniquement à ce niveau. On notera à cet égard que la disposition adoptée pour les holdings en 2009 qui interdisait les mécanismes de liquidité au terme du délai de conservation de cinq ans n'a pas été reprise au niveau des PME et a été supprimée pour les holdings.

En revanche, il a été institué une règle complémentaire visant à empêcher les mécanismes de restitution d'apports après ce délai de cinq ans. Désormais, la réduction d'ISF pourrait être remise en cause en cas de remboursement d'apport (rachat-réduction de capital) pendant un délai de dix ans à compter de l'investissement.

De plus, le législateur a également introduit un nouveau mécanisme anti-abus en la matière : ne seront pas considérées comme 'éligibles' au dispositif de réduction d'ISF, les PME qui auront, dans les douze mois précédant l'investissement, réalisé un remboursement total ou partiel d'apports. Il s'agit ici également d'empêcher le subventionnement de PME qui n'auraient pas de réels besoin de fonds propres. On peut néanmoins se demander s'il ne devrait pas être prévu un mécanisme de dérogation sur autorisation, afin de ne pas bloquer des PME qui auraient dû réorganiser leur capital avant une levée de fonds, notamment au profit d'anciens actionnaires n'ayant reçus aucune subventions de l'Etat lors de leurs investissements.

Les mesures concernant les holdings

La réforme vise à rapprocher les holdings passives d'investissement des fonds d'investissements, en mettant à la charge des premières des obligations d'information de ses investisseurs - non plus seulement au moment de l'investissement, mais annuelle - et de l'administration fiscale - information annuelle sur les sociétés financées, les titres détenus et les montants investis -, similaires à celles existantes pour les fonds. De plus, des amendes fiscales ont été instituées à la charge de ces holdings –et donc de leurs actionnaires- plutôt que contre les gestionnaires ou promoteurs, en principe responsables des manquements.

Les holdings animatrices de groupe ne sont pas visées par ces nouvelles dispositions, et pourraient, même lorsqu'elles ont un fonctionnement très proche d'un fonds d'investissement (création récente, commercialisation intermédiée, durée limitée, présence de parts de carried interest), continuer à perdurer sans les contraintes mentionnées ci-dessus, ni aucune des contraintes des holdings passives ou des fonds d'investissements. La loi prévoit de conforter la doctrine fiscale qui leur reconnaissait le caractère de PME éligible à l'investissement directe. Elle institue néanmoins une contrainte pour les nouvelles holdings animatrices : détenir au moins une participation depuis douze mois. Cependant cette mesure, si elle devrait limiter l'éclosion de nouvelles holding de ce type, ne concernera pas les holdings animatrices existantes, ni les holdings passives existantes qui souhaiteraient se placer sous le régime de l'animation de groupe.

Les mesures concernant les fonds d'investissement

La réforme réalise un certain nombre de modifications techniques concernant les fonds d'investissements qui devraient notablement en simplifier la gestion. Notamment, elle unifie les critères d'investissements juridiques et fiscaux des dispositifs IR et ISF dans les PME, et simplifie les problématiques de calcul de ratios d'investissements, auparavant très complexes en particulier pour les fonds ISF. Malheureusement, le dispositif conjoncturel d'investissement rapide en seize mois n'a pas été revu.

Par ailleurs, les fonds d'investissements seront également concernés par les mesures décrites ci-dessus concernant les PME sous-jacentes - activités exclues, pratiques d'investissement prohibées -, sauf la mesure concernant le non remboursement d'apports pendant dix ans, spécifique à l'investissement direct-.
Une des mesures marquantes de la réforme est l'exclusion des FCPR agréés et des FCPR à procédure allégée du dispositif ISF. Seuls les FIP et FCPI seraient dorénavant visés par ce dispositif.

Ces fonds ISF devront désormais investir au minimum 60 % des souscriptions recueillies dans des PME éligibles, et ne pourront plus "choisir" un quota inférieur. Ils devraient néanmoins pouvoir continuer à choisir un quota d'investissement supérieur à 60 % afin de maximiser l'assiette de la réduction d'ISF.

S'agissant du FCPI ISF, il n'aura plus à respecter de quotas spécifiques d'investissement dans des sociétés de petites capitalisations (6 %) et dans des sociétés crées depuis moins de 5 ans (40 %). Il n'a donc plus vocation à financer l'amorçage.

S'agissant du FIP ISF, la réforme comporte plusieurs modifications. Il restera tenu de respecter un quota spécifique d'investissement de 20 % dans des sociétés de création récente, non plus de moins de cinq ans, mais de moins de huit ans, et ce que le FIP soit IR ou ISF. De plus, comme lors de sa création en 2003, le FIP devra réaliser ses investissements dans des PME situées dans trois régions, et plus quatre régions, comme cela avait été récemment décidé. Il faut espérer que ce retour en arrière s'accompagnera de quelques assouplissements dans les critères d'appréciations régionaux. Enfin, le FIP devra désormais répartir un minimum ses investissements entre les trois régions choisies : il ne devra pas investir plus de 50 % de ses actifs dans des PME situées dans une même région.

Par ailleurs, les fonds ISF devaient déjà investir dans les PME exclusivement en capital. La disposition instituant un nouveau quota d'investissement de 40 % exclusivement en capital ne devrait donc pas modifier leurs contraintes passées. Ils ne pourront donc toujours pas investir en obligations convertibles, contrairement aux fonds IR qui sont directement impactés par cette mesure nouvelle.

Enfin, les fonds ISF devront toujours investir dans des PME répondant aux critères issus de la règlementation européenne en matière d'aides d'Etat et dans les limites édictées par la Commission Européenne en la matière. Toutefois, pour ces fonds, comme -semble-t-il- en matière d'IR, il conviendra que le décret fixant le plafond maximum d'investissement –ou plus logiquement de subvention d'Etat- que peut recevoir une PME pendant une période de douze mois puisse paraitre rapidement, afin de ne pas pénaliser ces fonds dans la réalisation de leurs investissements.

En conclusion

Cette réforme va probablement faire des mécontents à divers niveaux, et la question des seuils Européens de financement des PME reste brulante, mais on peut malgré tout se satisfaire d'un certain nombre d'avancées positives, ce qui n'était pas arrivé depuis bien longtemps. Espérons que cet état d'esprit demeurera jusqu'à l'adoption définitive du PLF 2011.

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