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Afrique #162 : Chapter54, mPharma, Anka, Kajou, Janngo...


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Vincent Previ, Chapter54 - © Partech, Isabelle Tresson

Vincent Previ, Chapter54 - © Partech, Isabelle Tresson

Nouvel accélérateur : Chapter54 / Partech / KfW (Afrique / France / Allemagne)

Du nouveau pour les scaleups européennes désireuses de se développer en Afrique : le VC franco-américain Partech vient de lancer un nouveau programme d’accélération sur-mesure à leur intention, conçu et opéré par sa branche de programmes d'innovation Partech Shaker (d'abord lancée en 2014 en tant que campus dédié à l’open innovation). Dénommé Chapter54, ce dernier vise à aider les jeunes pousses en pleine croissance à réussir leur implantation sur un ou plusieurs marchés africains. Dans cette optique, il mettra à leur disposition un réseau d’une cinquantaine de mentors sélectionnés pour leurs capacités opérationnelles et leur expérience du continent (directeurs commerciaux, directeurs de la supply chain, directeurs pays) et leur offrira de nombreux avantages (notes sur les modèles opérationnels fonctionnant le mieux en Afrique, partenariats avec des hubs d’innovation réputés…). Parmi les mentors figurent Marjorie Saint-Lot, directrice générale de Uber Côte d’Ivoire et William Benthall, general manager Afrique subsaharienne de Glovo. Financé à hauteur de 5 M€ par KfW, la Banque publique d’investissement allemande, pour le compte du Ministère fédéral allemand de la Coopération Économique et du Développement (BMZ), Chapter54 est ouvert à toutes les scaleups européennes, quel que soit leur secteur, et sans prise de participation en contrepartie. Placé sous la direction de Vincent Previ, le programme d’accélération débutera en avril prochain et s’étalera sur huit mois, pour une période initiale de quatre ans. Au terme du processus d'accélération, chacune des start-up devra être dotée d'une roadmap de déploiement en vue soit d’un greenfield, d’une acquisition, ou de la mise en place d’un ou plusieurs accord(s) de distribution indirecte. Les noms des dix sociétés retenues seront annoncés le 9 mars prochain.

Jan Martin Witte, KfW et Vincent Previ, Chapter54 (Partech Shaker)

Jan Martin Witte, KfW et Vincent Previ, Chapter54 (Partech Shaker)

Jouissant d’une renommée mondiale auprès des entrepreneurs à tous les stades de développement (de l’amorçage au growth), le fonds de capital-risque Partech dispose d’un portefeuille de quelque deux cents entreprises dans une trentaine de pays, dont quinze dans neuf pays africains via son fonds dédié Partech Africa. « De par sa position unique sur les deux continents, Partech Shaker nous a semblé le partenaire de choix pour accompagner les scaleups européennes en Afrique » déclare Jan Martin Witte, Director Global Equity and Funds chez KfW. Suscitant les convoitises du fait de ses atouts démographiques et sociétaux (écosystème tech en pleine croissance favorisé par une population jeune et technophile), l’Afrique séduit nombre d’entreprises européennes. Pour y réussir, plusieurs conditions sont toutefois requises : une connaissance approfondie des marchés, des relais locaux de grande qualité, ainsi qu’un accès favorisé aux talents disponibles sur place. « Vous pouvez être doté d’une technologie exceptionnelle et disposer de solides références en Europe, l’Afrique comporte néanmoins des spécificités dans la manière de recruter, d’opérer, de vendre, de conclure des partenariats… C’est pour répondre à ces défis que Chapter54 a été conçu comme un programme fait par, avec et pour les doers » explique Vincent Previ, managing director du programme, qui occupait depuis mai 2021 le poste de head of business development Africa au sein de Partech.

 

Santé : mPharma / Jam Fund / Unbound / Lux Capital Management / Social Capital / Novastar Ventures / Northstar.vc / Golden Palm Investments / To Ventures / Citigroup (Ghana / États-Unis / Royaume-Uni / Kenya / Suisse)

© mPharma

© mPharma

La start-up ghanéenne mPharma, qui a vocation à construire un réseau de pharmacies communautaires à travers l’Afrique, réunit près de 31 M€ (35 M$) dont environ 27 M€ (30 M$) en equity auprès du VC américain Jam Fund (en lead), ainsi que d’investisseurs internationaux anglophones (Unbound, Lux Capital Management, Social Capital, Northstar.vc) et africains (Novastar Ventures, basé à Londres et Nairobi, et Golden Palm Investments, basé à Accra). Branche d'investissement de to.org, le suisse To Ventures, lancé en 2012, a également participé à ce tour de série D qui devrait être complété au cours du premier trimestre 2022 pour atteindre 89 M€ (100 M$). Le solde de ce round intermédiaire a été fourni par le groupe bancaire coté new-yorkais Citigroup sous forme d’un prêt de 4,4 M€ (5 M$). Grâce à cet apport financier, la jeune pousse fondée en 2013 compte soutenir son expansion non seulement dans ses marchés actuels (Ghana, Nigeria, Kenya, Zambie, Malawi, Rwanda, Éthiopie, Ouganda) mais aussi sur de nouveaux territoires, tout en améliorant son infrastructure et son équipe. « Nous prévoyons de recruter plus de 100 ingénieurs pour construire toutes nos technologies en interne, y compris une infrastructure de données. Nous allons également investir dans des professionnels de la santé, tout en poursuivant notre expansion sur huit marchés africains », a expliqué son dirigeant co-fondateur Gregory Rockson. Ambitionnant de s’ériger en fournisseur de services de soins de santé primaires de référence pour des millions de personnes résidant dans la région, mPharma entend pour cela développer son réseau de pharmacies communautaires, qui fonctionnent comme de mini-hôpitaux proposant des services de consultation médicale, de diagnostic et de télésanté ainsi que la distribution de médicaments. En octobre dernier, la healthtech ghanéenne s’était étendue en Ouganda avec une prise de participation majoritaire dans le capital de la chaîne de pharmacies ougandaise Vine Pharmacy. Sa précédente levée de fonds remontait à mai 2020, lorsqu’elle avait collecté 15,6 M€ (17 M$) lors d’un tour de table de série C mené par le britannique CDC Group (relire bulletin #94).

 

E-commerce : Anka / I&P (Côte d’Ivoire / France)

© Anka (ex Afrikrea)

© Anka (ex Afrikrea)

Près de deux ans après sa précédente levée de fonds d’1 M€ (relire bulletin #81), la marketplace franco-ivoirienne Afrikrea dédiée à la mode, à l’art et à l’artisanat africain se rebaptise Anka (« le nôtre » en bambara, langue véhiculaire et commerciale très utilisée en Afrique de l'Ouest, notamment au Mali) et boucle un tour de table de 6,2 M€ auprès entre autres du fonds tricolore Investisseurs & Partenaires (I&P). Divulguée par Africa Business+, cette information n’a pas encore fait l’objet d’une communication officielle. Lancée en 2016 à Paris mais désormais basée à Abidjan, la start-up aux 400 K€ de revenus engrangés en 2019 développe un site marchand proposant des produits de beauté, d’artisanat et de la haute couture Made in Africa vers plus de cent pays. Elle emploie une vingtaine de collaborateurs, implantés dans plusieurs pays dont la France et le Brésil.

 

Formation & Technologies de l’information : Kajou / Phitrust Partenaires / Colam Impact / Hippolyte Capital / Ashoka (France / Afrique de l’Ouest)

© Kajou

© Kajou

Désireuse d’accélérer son développement en Afrique de l’Ouest, l’entreprise sociale française Kajou, fondée en 2019 par l'ONG Bibliothèques sans Frontières, lève 1 M€ auprès des fonds d’investissement tricolores à impact Phitrust Partenaires, Colam Impact et Hippolyte Capital ainsi que de business angels en grande partie issus du réseau Ashoka (voir fiche opération sur CFNEWS). L’edtech s’appuie sur des cartes microSD de fichiers multimédias afin de distribuer du contenu numérique à fort impact éducatif et / ou informatif aux quelque trois millions de personnes n'ayant pas ou peu accès à Internet en Afrique de l’Ouest. Grâce à une technologie développée avec le soutien de Capgemini, les cartes microSD, une fois insérées dans un smartphone, permettent à l’utilisateur de parcourir jusqu'à 32 Go de contenus puisés dans le catalogue de Bibliothèques Sans Frontières, dans les langues locales, et de les partager. Sont ciblés en priorité les populations jeunes des zones urbaines et semi-urbaines d’Afrique de l’Ouest.

 

Fonds - Technologies : Janngo / Janngo Start-Up Fund / BAD / UE / OEACP (Côte d’Ivoire / Afrique de l’Ouest francophone / Europe)

Fatoumata Bâ, Janngo

Fatoumata Bâ, Janngo

Janngo, premier start-up studio à impact social d'Afrique, basé à Abidjan et Paris, a collecté fin décembre 10,5 M€ pour son véhicule panafricain axé sur les start-up technologiques, Janngo Start-Up Fund. La Banque Africaine de Développement (BAD) a injecté 7 M€, le solde étant octroyé par l’Union européenne et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP). Janngo Start-Up Fund crée, développe et investit dans des start-up technologiques, essentiellement en Afrique de l’Ouest francophone, dans les secteurs de l’agroalimentaire, des services financiers, de l’énergie, de l’éducation et de la santé. Fondé en 2018 par l’entrepreneuse sénégalaise Fatoumata Bâ (ex-DG de la licorne africaine Jumia), Janngo se présente comme une plateforme digitale d’entreprenariat social accompagnant des start-up africaines afin de les transformer en champions digitaux panafricains. Privilégiant les entreprises portées ou dirigées par les femmes, le fonds avait déjà obtenu 12,5 M€ auprès de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) fin 2019 (relire bulletin #71), après une première collecte d’1 M€ en mai 2018 auprès de Clipperton (soutenu par Natixis), de la société d’import-export française Soeximex et d’un véhicule d’investissement appartenant à la famille des entrepreneurs Mulliez.

 

Fonds - Infrastructures énergétiques & EnR : Sotho Minigrid Portfolio SPV / OnePower / EDFI ElectriFI / REPP / Camco Clean Energy (Lesotho / Belgique / Royaume-Uni)

Les zones rurales du Lesotho, royaume d’Afrique australe enclavé dans le territoire de l’Afrique du Sud, devraient bientôt bénéficier d’un meilleur accès à l’électricité grâce à un nouveau mécanisme dédié à l’électrification du pays : Sotho Minigrid Portfolio SPV, un véhicule ad hoc mis en place par le fournisseur d’accès à l’électricité lésothien OnePower (1PWR), l’Initiative pour le financement de l’électrification (EDFI ElectriFI) - basée en Belgique et financée par l’UE - et la Plateforme pour la performance des énergies renouvelables (REPP), elle-même financée par le gouvernement britannique et gérée par le londonien Camco Clean Energy. EDFI ElectriFI et REPP apportent chacun 4,4 M€ (75 MLSL) environ en fonds propres et en dette senior à Sotho Minigrid Portfolio SPV. Ce dernier est également soutenu par l’Agence américaine pour le développement international (Usaid) dans le cadre de l’initiative Power Africa, du Fonds fiduciaire du partenariat pour l’énergie et l’environnement (EEP Africa), de l’UK Aid via le programme Transforming Energy Access, ainsi que des subventions du Fonds d’équipement des Nations unies (Fenu) et du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).
Destiné à électrifier onze communautés rurales, ce véhicule spécial financera des mini-grids solaires photovoltaïques d’une capacité cumulée de 1,8 MWc (soit une puissance annuelle de 3 480 MWh), connectés à des systèmes de stockage par batterie. Ces onze mini-réseaux devraient desservir 7 300 foyers (plus de 20 000 personnes), ainsi que les petites entreprises et structures de service public, dont les sept centres de santé du pays. Sotho Minigrid Portfolio SPV mettra également en œuvre son projet avec l’appui de GET.invest, un programme mis en place par l’UE et plusieurs de ses pays membres pour soutenir les investissements dans les énergies renouvelables décentralisées.

 

Étude : entre 3,8 et 4,4 Md€ (4,3 et 5 Md$) de financements levés en 2021 par les start-up africaines (Thebigdeal.substak.com et Briter Bridges)

© thebigdeal.substack.com

© thebigdeal.substack.com

Nouvelle année rime souvent avec bilan de la précédente. Plusieurs études commencent ainsi à fleurir sur les performances des start-up en 2021, notamment en termes de levées de fonds ; l’Afrique n’échappe pas à cette tendance. Parmi les bilans consacrés au continent figurent ceux de la base de données Thebigdeal.substack.com (pilotée par la plateforme californienne de marché numérique d'auto-édition Gumroad), et du think tank londonien Briter Bridges, doté de bureaux à Nairobi et Lagos. Selon la première étude, les pépites technologiques africaines ont levé approximativement 3,8 Md€ (4,3 Md$) l’an dernier - soit 2,5 fois le montant levé en 2020 - un succès essentiellement dû aux méga-deals de plus de 88 M€ (100 M$) qui ont été multipliés par six sur le continent. La plateforme en recense douze, pour une valeur combinée de 1,7 Md€ (1,9 Md$). Les chiffres présentés par Briter Bridges sont très similaires, puisque le rapport évoque une collecte totale d’environ 4,4 M€ (5 Md$) de financements levés par les start-up africaines, soit le double de la somme levée en 2020.
En termes de répartition géographique, Thebigdeal.substack.com met en exergue le dynamisme de l’Afrique du Sud, du Nigeria, de l’Égypte et du Kenya : à eux quatre, ils se sont arrogés 81 % du total réuni par les jeunes pousses africaines, avec plus de 1,3 Md€ (1,5 Md$) pour le seul Nigeria.
Sur le plan sectoriel, les deux études s’accordent à consacrer le poids écrasant des fintech et leur progression fulgurante par rapport à 2020 : 2 Md€ (2,3 Md$) cette année selon la première, 2,7 Md€ (3,1 Md$) selon la seconde, autrement dit les deux tiers de l’ensemble des financements obtenus - à comparer aux 1,2 Md€ (1,35 Md$) recueillis en 2020. Se démarquent ainsi le nigérian Opay (342 M€ soit 400 M$ en série C), l’américano-nigérian Fluttterwave (143 M€ soit 170 M$ en série C) et le sud-africain TymeBank (148 M€ soit 180 M$ en série B).

 

Événement :

  • 13 janvier (17h30-19h) : webinaire de la commission RSE&ODD du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), en partenariat avec Africa Mutandi, consacrée à la stratégie RSE d'Orange en Afrique, du choix des priorités d’actions aux modalités d’implication des parties prenantes en passant par la mobilisation du numérique pour booster les impacts. Cette présentation par Jean-Louis Dufau-Richet, directeur RSE et partenariats d’Orange Middle-East & Africa, permettra en outre d’évoquer le besoin pour les entreprises africaines de développer un reporting ESG exigé par la fameuse note 35 du système comptable OHADA (SYSCOHADA) qui pose les premiers principes d’un reporting extra-financier à l’échelle des dix-sept États membres, exigence de reporting qui préfigure l’essor de la reconnaissance de l’engagement sociétal des entreprises dans l’atteinte des ODDs. L'événement sera l’occasion également d'aborder les enjeux et méthodes des nouvelles stratégies d'engagement sociétal et d'impacts du côté des entreprises, dans la lignée des attentes des investisseurs publics et privés.

 

Et aussi...

  • La Banque mondiale a suspendu l’ensemble de ses projets ADP International (filiale de Groupe ADP, ex-Aéroports de Paris), Colas Madagascar et Bouygues Bâtiment International pour respectivement vingt-quatre mois (dont douze ferme), vingt-quatre mois ferme, et douze mois avec sursis. Cette décision fait suite à une enquête sur les conditions d’attribution du marché des aéroports malgaches d’Antananarivo et de Nosy-Be au consortium français, baptisé « Ravinala ». Un appel d’offres international avait été lancé en 2015.
  • Pour accompagner la transition vers une économie verte au Maroc, la Banque Marocaine pour le Commerce et l’Industrie (BMCI) reçoit 23,75 M€ de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), via sa Facilité de financement de l’économie verte (GEFF), et 1,25 M€ du Fonds Vert pour le Climat (FVC). Ce financement permettra à la BMCI d’accorder des prêts secondaires aux acteurs de l’économie verte au Maroc et en faveur des investissements dans les technologies d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.
  • Dans l’optique de rembourser sa dette dans le secteur de l’électricité, le gouvernement camerounais a réalisé deux opérations visant à mobiliser une somme de 180 M€ (203 M$) sur le marché monétaire de la CEMAC. C’est à Financial Capital, une société de gestion des investissements basée à Douala et dirigée par Yanic Nana, qu’a été confié le rôle d’arrangeur, en charge donc de la structuration, la coordination entre tous les acteurs et du closing financier.
  • L’assureur sud-africain Sanlam et son homologue allemand Allianz ont entamé des négociations le mois dernier afin d’établir un partenariat stratégique concernant leurs activités africaines respectives (à l’exclusion de l’Afrique du Sud). Les discussions portent principalement sur le Sénégal, le Maroc et le Cameroun.

 

Bonne fin de semaine et à mardi prochain !

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