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Afrique #86 : Covid-19, Semafo-Endeavour, Total, 27four IM...


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Homme d'affaires africain portant un masque de protection contre le coronavirus - © Adobe Stock/arrowsmith2

Homme d'affaires africain portant un masque de protection contre le coronavirus - © Adobe Stock/arrowsmith2

Focus : le point sur la pandémie en Afrique

Alors que l’on compte à ce jour 5 382 cas confirmés et 178 décès dus au coronavirus dans 48 pays africains, nous poursuivons notre synthèse hebdomadaire sur les conséquences économiques de cette pandémie sur le continent, et surtout sur les principales initiatives mises en œuvre à plusieurs échelles.

Quel impact ?

Kristalina Georgieva, FMI

Kristalina Georgieva, FMI

Réduction ou suspension quasi-totale des activités non essentielles, couvre-feu et confinement, fermeture des frontières, annulation ou report d’opérations et d’événements… Ces mesures prophylactiques ont d’ores et déjà un impact considérable en Afrique. Dans une déclaration du 23 mars dernier, la DG du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a ainsi révélé que 75 Md€ (83 Md$) ont déjà été retirés des marchés émergents par les investisseurs depuis le début de la crise, soit la plus importante sortie de capitaux jamais enregistrée. L’inquiétude est vive concernant les conséquences à moyen et long terme sur le continent, d’autant l’épidémie se combine avec un effondrement historique des prix du pétrole, exerçant une pression sur les budgets des États et testant la résilience des groupes énergétiques les plus puissants. Selon le leader mondial de l’assurance-crédit Euler Hermes, le Maroc, le Kenya, le Ghana et l'Île Maurice (ainsi que quatorze autres pays non-africains), dont la note de risques-pays a été dégradée, pâtiront particulièrement cette année d’une croissance mondiale estimée à +0,5 % contre +2,5 % en 2019 et d’une hausse des défaillances mondiales d’entreprises de 14 %. De manière similaire, au Nigeria, l’agence de notation américaine Fitch a fait passer de B+ à B les notations de Zenith Bank, Guaranty Trust Bank (GTB) et United Bank for Africa (UBA), les banques jusque-là les mieux notées du pays.

Les réactions à l’échelle internationale

Au niveau international, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a lancé une « stratégie en quatre volets » pour limiter le choc économique face à un «tsunami financier imminent». Elle a notamment plaidé pour un programme de soutien de 2 270 Md€ (2 500 Md$) et proposé un arrêt immédiat des paiements de la dette souveraine, suivi d’un allégement significatif de la dette des pays les plus en difficulté. D’autres initiatives concernent plus spécifiquement une région ou un pays. L’Agence Française de Développement (AFD) vient ainsi de débloquer 1,5 M€ pour l’Afrique francophone afin d’améliorer l’équipement de cinq laboratoires hospitaliers africains chargés de la détection précoce des cas de Covid-19, au Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali et Sénégal. Le Maroc bénéficiera quant à lui de 450 M€ de l’UE pour faire face à la pandémie, dont 150 M€ réalloués aux besoins du Fonds Spécial pour la Gestion de la Pandémie Covid-19 (relire bulletins #84 et #85).

Les banques panafricaines au front

Banque Africaine de Développement (AFDB)

Banque Africaine de Développement (AFDB)

L’initiative la plus marquante de la semaine revient à la Banque Africaine de Développement (BAD), avec l’émission d’une obligation record de 2,7 Md€ (3 Md$), « Combattre le Covid-19 », qui constitue la plus importante émission obligataire sociale libellée en dollars américains à ce jour sur les marchés de capitaux internationaux. Celle-ci a vocation à atténuer les effets de la pandémie sur la vie des populations africaines et les économies du continent. Afreximbank lance une facilité de 2,7 Md€ (3 Md$), appelée Facilité d’atténuation de l’impact du commerce pandémique (PATIMFA), pour aider les pays africains (via leurs banques centrales et autres institutions financières) à faire face aux impacts économiques et sanitaires de la pandémie. Au niveau de l’Afrique de l’Ouest, la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) va prêter 23 M€ (15 MdXOF) à chacun de ses huit États-membres et geler les dettes de ces pays à son égard, estimées à 117 M€ (76,6 MdXOF). La Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA) débloquera, à la demande des pays, une enveloppe de 91 M€ (100 M$) pour soutenir les efforts de l’Afrique subsaharienne dans la lutte contre le coronavirus. La banque sud-africaine Absa Group (ex Barclays Africa) vient de mettre en place un programme d’allègement de crédit pour ses clients éligibles (particuliers et entreprises) ayant besoin de liquidités à court terme, programme étendu à tous les marchés d’Absa en Afrique. Quant à la banque panafricaine UBA, basée au Nigeria et active dans une vingtaine de pays du continent, elle réalise un don d’environ 12 M€ (5 MdNDN) via sa fondation, pour « catalyser une réponse panafricaine globale à la lutte contre la pandémie mondiale de coronavirus ».

Exemples d’initiatives étatiques

Parmi les initiatives des États africains, on peut retenir cette semaine la création, par le gouvernement mauritanien, d’un Fonds de solidarité social de 60 M€ qui sera utilisé notamment pour financer une allocation destinée à 30 000 familles pauvres pendant trois mois. Pour contrer le coronavirus, le Cameroun s’apprête par ailleurs à lever près de 69 M€ (45 MdXAF) sur le marché des titres publics de la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC), avec une série de trois émissions d’obligations du Trésor assimilables (OTA), visant en particulier à renforcer le système de santé.

La mobilisation de la tech

© 54gene

© 54gene

Du côté de la tech africaine et internationale, les annonces d’aide et de mise à disposition de solutions ou de services spéciaux pour contrer la pandémie se multiplient. Au Nigeria, pour lutter contre la pandémie, l’entreprise de recherche en génomique 54gene lève 455 K€ (500 K$) auprès de ses partenaires via son véhicule Covid-19 Testing Fund. Objectif : acquérir du matériel de test, des équipements de biosécurité et du matériel de protection, dans l’optique de soutenir l’institut de santé public Nigeria Center for Disease Control (NCDC). La start-up sud-africaine de crowdsolving Zindi, fondée en 2018 pour permettre aux entreprises, aux ONG ou aux institutions gouvernementales d'organiser des concours en ligne sur des questions liées aux données, accordera 4 547 € (5 000 $) au data scientist qui parviendra le mieux à prédire avec précision la propagation mondiale du coronavirus au cours des trois prochains mois, et in fine de contribuer à endiguer l’impact des pandémies comme celles-ci à l’avenir. À partir du mois prochain, Zindi lancera six hackathons chaque fin de semaine axés sur Covid-19. Toujours en Afrique du Sud, le média tech panafricain WeTracker a compilé un écosystème d'une trentaine d’applications et de services axés sur les technologies auxquels les particuliers et les entreprises de la nation arc-en-ciel peuvent recourir dans ce contexte de crise sanitaire et économique. Les technologies testées comprennent Covid Symptom Tracker, une application destinée à identifier les symptômes caractéristiques de la maladie, ainsi que TerraDrone & MicroMultiCopter, pour suivre la propagation et appliquer des mesures de contrôle par le biais de drones. En Tunisie, en partenariat avec le Ministère de la Santé, la filiale locale d'Orange et ses partenaires lancent M3ak, une plateforme d’entraide et de mise en relation entre citoyens tunisiens, développée par les experts de l’école du code Orange Developer Center en un temps record. En situation de quasi-monopole en Afrique, l’équipementier et fournisseur d’appareils intelligents Huawei a publié un livre blanc, en collaboration avec Deloitte, dans lequel il étudie la façon dont la 5G peut être mise en synergie avec d’autres technologies pour améliorer l’efficacité de la prévention et du traitement des pandémies. « Combating Covid-19 with 5G: Opportunities to improve public health systems » analyse des exemples de contrôles et de traitement du coronavirus en Chine. Le géant chinois des télécoms et de l’informatique s’engage également sur le continent de manière pragmatique, en proposant par exemple un système d’identification et de contrôle de température efficace, basée sur les TIC, qui peut être disposé dans les aéroports, les ports et à l’entrée de bâtiments ciblés.

Enfin, les sociétés non technologiques ne sont pas en reste, comme nous le verrons dans le prochain bulletin Afrique.

Bourse - Industrie minière : Semafo / Endeavour Mining (Canada / Royaume-Uni / Afrique de l'Ouest)

Projet d'exploration Mana, devenue la mine phare au cœur de l'histoire de la compagnie québécoise Semafo et la troisième plus grande mine d'or au Burkina Faso. - © Semafo

Projet d'exploration Mana, devenue la mine phare au cœur de l'histoire de la compagnie québécoise Semafo et la troisième plus grande mine d'or au Burkina Faso. - © Semafo

Le producteur d’or québécois coté Semafo va passer sous contrôle étranger suite à l’offre de fusion-acquisition amicale de la compagnie aurifère Endeavour Mining, cotée à Toronto et pilotée par le français Sébastien de Montessus depuis Londres . Active en Afrique de l’Ouest (avec des mines et projets en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Mali), où elle a extrait 651 000 onces l’an dernier, elle espère se hisser sur le podium des premiers producteurs d’or dans la région grâce à cette opération, évaluée à 640 M€ environ (près de 1 Md$CA). Le nouvel ensemble formé des deux compagnies extractives, et qui devrait conserver le nom d’Endeavour, entend talonner le canadien Barrick et le sud-africain AngloGold Ashanti, ses deux principaux concurrents sur le continent africain. 70 % de son capital serait détenu par les actionnaires d’Endeavour, à commencer par La Mancha, holding minier du magnat égyptien Naguib Sawiris, premier actionnaire d’Endeavour (31 % des parts), qui posséderait 25 % des actions du nouveau groupe constitué. Le solde serait aux mains des porteurs de titres de Semafo. Dirigée par Benoît Desormeaux, la société minière canadienne exploite deux mines au Burkina Faso (Mana et Boungou), ce qui porterait à six le nombre de sites exploités par le nouvel ensemble, qui devrait ainsi produire un million d’onces de métal précieux en 2020. Cette transaction, dont la finalisation est prévue d’ici fin juin, sera entièrement réalisée par l’entremise d’un échange d’actions. Les actionnaires de Semafo recevront 0,1244 action d’Endeavour pour chacun de leurs titres.

Hydrocarbures & Distribution : Total / Conex (Liberia / Sierra Leone / France)

Infrastructures de Conex Oil, société de la holding libérienne Conex Group spécialisée dans la distribution de produits pétroliers. - © Conex Group

Infrastructures de Conex Oil, société de la holding libérienne Conex Group spécialisée dans la distribution de produits pétroliers. - © Conex Group

Suite à un appel d’offres lancé il y a quelques semaines, Total va céder à la société libérienne Conex Oil and Gas Holdings (Conex) ses activités de commercialisation de carburant dans l’industrie aéronautique au Liberia et en Sierra Leone. Cette transaction, dont le montant reste confidentiel, permettra au groupe fondé en 2005 de devenir leader du marché pour ce segment dans les deux pays. Exploitant déjà une installation de stockage de pétrole au Liberia et en Sierra Leone, l’acquéreur dispose de bureaux dans plusieurs États d’Afrique de l’Ouest, notamment au Ghana et au Nigeria, mais également aux Émirats arabes unis et en Suisse. « Nous sommes enthousiasmés par l’expansion de Conex dans ces pays, car cela va créer des emplois et promouvoir le développement dans les zones où nous nous développons », a déclaré le P-dg de Conex, Cherif Abdallah, soulignant que l'acquisition est conforme au message du président libérien George Weah, qui a invité les compagnies locales à créer des emplois et à stimuler la croissance.

Fonds : 27four Investment Managers / Gouvernement sud-africain / LP’s sud-africains (Afrique du Sud)

Fatima Vawda, 27four Investment Managers

Fatima Vawda, 27four Investment Managers

27four Black Business Growth Fund II (27four BBGF II), un véhicule de financement mixte géré par le sud-africain 27four Investment Managers et mis en place par le gouvernement sud-africain et des investisseurs institutionnels locaux, vient de collecter 36 M€ auprès d’un groupe d’investisseurs, dont le Fonds de retraite des collectivités locales en Afrique du Sud (CRF) et le Fonds de l’emploi mis en place par le gouvernement. Ces nouvelles ressources seront allouées à des fonds de capital-investissement contrôlés par des Noirs et axés sur des investissements dans des entreprises de taille moyenne en Afrique du Sud. Le véhicule, qui prendra des tickets compris entre 5 et 10 M€ environ (100 et 200 MZAR) dans cinq à sept fonds, devrait réaliser son closing final avant la fin de l’année.

Et aussi...

  • Affectio Mutandi, agence française de conseil en stratégies RSE, enjeux ESG, stratégies à impacts et Objectifs du Développement Durable (ODD), lance Africa Mutandi, une offre de services destinées à accompagner les stratégies inclusives et l’innovation sociétale des acteurs publics et privés au service des ODD en Afrique.
  • Basée à Paris et Shanghai, la banque-conseil B&A Investments Bankers (Benoit & Associés)compte s’implanter à Abidjan cette année, même si aucune aucune date précise n’a été arrêtée pour l’instant, du fait de la situation épidémique actuelle. C’est dans la capitale économique ivoirienne que la banque fondée en 2011 par Cyril Benoit (un ancien du fonds d’investissement immobilier de Perella Weinberg Partners) avait signé son premier contrat africain en 2018, afin d’accompagner la mise en place de la Caisse des dépôts et de consignation locale. En octobre 2019, elle avait accueilli au sein de son bureau parisien Khaled Igué, en qualité de Managing Partner et Africa Chairman.
  • Ascent Rift Valley Fund (ARVF), véhicule de private equity géré par Ascent Capital Partners, un fonds dédié à l’Afrique et basé à Casablanca, Dakar et Abidjan, vient de réaliser son troisième investissement au Kenya, au profit de Metro Plastics Kenya, un fabricant de tuyaux, canalisations et gouttières. La cible utilisera cet apport (dont le montant n’a pas été divulgué) pour élargir sa gamme de produits et étendre sa présence dans la région.
  • Mohamed Okasha, co-fondateur et directeur général de la société égyptienne de paiement Fawry depuis 2009, quittera la direction d’ici le 1 avril pour lancer un fonds d’investissement de 23 M€ (25 M$), en association avec un groupe de partenaires. La nouvelle entité investira au sein de start-up et fintech égyptiennes en phase de démarrage et de développement.
  • LUE alloue une subvention de 90,4 M€ à l’Ouganda afin d’attirer à terme plus d’investissements privés européens dans le domaine de l’économie verte inclusive, notamment en favorisant le développement de produits et projets innovants soucieux de l’environnement.
  • En raison de la pandémie en cours, la compagnie aérienne sud-africaine South African Airways (SAA) obtient de ses créanciers la prolongation du délai de son plan de sauvetage jusqu’au 29 mai.
  • La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD)contribue au développement du secteur de l’huile d’olive au Maroc grâce à un prêt de 5 M€ (55 MMAD), alloué à deux filiales d’Al Dahra Holding Maroc (Al Dahra Morocco Factories et Al Dahra Morocco), ainsi qu’au financement de la construction et de la mise en service d’une nouvelle usine d’huile d’olive dans la région de Fès-Meknès.
  • Le groupe panafricain NSIA, opérateur de services financiers et d’assurances en Afrique de l’Ouest et du Centre, ouvre une neuvième filiale 100 % dédiée à l’assurance vie, qui sera basée en Guinée.

Bonne fin de semaine et à mardi prochain.

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