CANVIEW

Siri d'Apple, le plus grand "focus group" du monde.


| 1086 mots

Siri, l'épouse de Vishnou, incarne la prospérité, la santé, le pouvoir royal et la gloire. Elle est généralement représentée entre deux éléphants - mais peut être bientot de deux pommes étant donné le buzz planétaire ayant entouré le lancement récent par Apple - dans l'iPhone 4S - de l' assistant virtuel vocal éponyme. Si vous y avez échappé, en gros, vous prononcez un ordre dans le micro de votre nouvel iPhone et… il l'exécute pour vous les tâches correspondantes. Exemple : vous dites "rendez-vous déjeuner mardi prochain 13 heures au Fouquet's avec Mathieu, inviter Fred par email, et rappel 3 heures avant", et ce merveilleux téléphone va créer un événement d'agenda intitulé "déjeuner avec Mathieu au Fouquet's", va envoyer une invitation iCal a Fred (si elle figure bien dans le répertoire de votre iPhone) et positionner une alarme de rappel 3 heures avant. Ce n'est pas une application à télécharger, c'est un logiciel encapsulé dans le système d'exploitation iOS5 de l'iPhone.

Dans le Cloud

Cool, non? Oui, cool. Sauf que ce n'est pas vraiment votre téléphone qui obéit, ce sont les serveurs informatiques d'Apple. En clair, vous prononcez votre requête en "langage naturel" et ce dans toutes les langues du monde. Le son de votre voix est numérisé en temps réel par l'iPhone et transmis par streaming aux serveurs du système (qui peuvent très bien être à l'autre bout de la planète, ou bien dans le "cloud"). Ceux-ci analysent votre phrase, et renvoient les instructions correspondantes à l'appareil. C'est certes en l'état de la technologie la seule solution, la capacité de calcul d'un téléphone, même "intelligent", étant bien insuffisante pour une telle performance, d'où le déport sur une plateforme centralisée qui concentre la capacité de calcul nécessaire.
Mais c'est aussi une mine comportementale : Apple peut stocker et analyser les requêtes prononcées dans les micros d'une flotte mondiale d'iPhones. Pour l'instant uniquement compatible avec le tout dernier modèle (le 4S), un hack récent a montré que Siri fonctionne très bien avec un modèle 4, voire un 3Gs. Ce sont donc des dizaines de millions de terminaux iPhone dans tous les pays (difficile de trouver le chiffre exact - 86,4 millions d'unités (tous modèles confondus) en 2011 selon DigiTimes) qui peuvent alimenter les bases de données comportementales d'Apple.

Les limites du datamining

On sait très bien depuis des années que le datamining est une technique largement utilisée par les services marketing de très nombreuses entreprises : opérateurs téléphoniques pour réduire le "churn", grande distribution, banques et services financiers… tous exploitent à l'aide de techniques statistiques les bases de données alimentées par leur propre production (consommation téléphonique, fréquence d'achat, montants des paniers, type de produits achetés…) afin de segmenter leurs clients et de leur faire les offres les plus "adaptées" possibles au moment ou ils sont le plus réceptifs. Ce, soulignons le, avec plus ou moins de difficultés, les données, généralement issues de systèmes de production souvent hérités du passé ou pas totalement informatisés comportant très souvent des trous ou des agrégats, ce qui de surcroît ne facilite pas l'enrichissement des données à l'aide de sources ou fichiers externes. Mais les techniques et leur intégration progressent comme le montrent des deals récent : Autonomy racheté par HP, et sur la France une forte dynamique avec récemment les levées de fonds ou M&A de KXEN, Agilent, SmartFocus, Conexance, Custom Solutions, Adeon, Cylande, et même Avanquest Software (cliquer pour lire les articles CFnews), et sans compter l'explosion des plateformes de e-commerce comme Prestashop, qui intègrent nativement les fonctions de datawarehouse et de statistique.

Mais le datamining, c'est très bien pour proposer plus efficacement des produits existants à ses clients ou prospects. Mais pour l 'innovation, c'est à dire pour proposer des produits ou services vraiment nouveaux, innovants, ceux qui "creusent l'écart" ou créent le besoin ou l'usage, ca ne sert pas à grand chose. Alors les entreprises ont recours depuis longtemps (les années 50, je crois), à des "focus groups", des panels de consommateurs qu'on réunit dans une pièce et à qui on demande leur avis. Ce qui a conduit a des absurdités qui montrent les limites de l'approche : dans les années 70, lorsqu'une banque a demandé à un groupe de clients témoin si ils étaient prêts à insérer un rectangle en plastique dans une fente murale pour retirer de l'argent, ils ont répondu certainement pas - on connaît la suite. Et si on teste l'idée d'une voiture volante, tout le monde va dire oui.

Tout, tout le temps, partout

En revanche, une base de données qui enregistre tout ce que vous demandez à votre iPhone qui ne vous quitte jamais, c'est une mine d'informations comportementale : pas de biais, pas d'influence, juste un vrai client qui vit dans sa vraie vie. Multiplié par plusieurs dizaines de millions, nul doute que cela sera très segmentant. Multiplié par les dizaines d'applications qui vont elles aussi faire appel à Siri, ce sera encore plus segmentant - d'autant qu'Apple impose à ses développeurs que les données clients… sont sa propriété et non celle de celui qui a concu l'App.

Et il y a une autre fonctionnalité qui, croisée avec Siri, est encore plus segmentante, c'est la géolocalisation. Reprenons au paragraphe précédent : une base de données qui enregistre tout ce que vous demandez à votre iPhone qui ne vous quitte jamais, au moment et à l'endroit ou vous le faites. Voire même en historisant vos déplacements, plus ou moins à votre insu. Et (voir une précédente chronique), va se rajouter bientôt une technologie tout aussi segmentante : NFC ou le paiement sans contact à l'aide de votre mobile… La révolution du marketing est en marche - celle de la vie privée aussi.

Lire aussi : L’industrie européenne du software renoue avec la croissance (29/09/2010)

Retrouver toutes les chroniques Techno de CFnews

Aussi sur Facebook - sur Twitter (@cfnewstweet)

CFNEWS propose désormais une API REST. Accédez à l'ensemble de nos articles et nos données depuis votre CRM. Pour plus d'informations, contactez abo@cfnews.net