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The Next Big Thing : Réalité augmentée, pas tant que cela...


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On en rêve (essayer une nouvelle coiffure, visiter un appart' ...), on la voit au cinéma ("Minority Report"), il y en a plein l'internet (voir l'excellent Blog de mon amie Sophie qui vogue maintenant vers d'autres océans numériques) et l'App Store, mais on l'attend toujours. Enfin, dans une version qui marche.

De quoi s'agit-il ? Basiquement, de superposer des informations calculées à une scène réelle. Comme le définit Wikipédia: "Par système de réalité augmentée on entend un système (au sens informatique) qui rend possible la superposition d’un modèle virtuel 3D ou 2D à la perception que nous avons naturellement de la réalité et ceci en temps réel. Ce système peut aussi bien s’appliquer à la perception visuelle (superposition d’image virtuelle aux images réelles) qu’aux perceptions proprioceptives comme les perceptions tactiles ou auditives."

Non, les vraies applications sont, comme toujours pour la pointe de l'innovation IT, dans les domaines du médical (guidage chirurgical), du militaire (simulateurs, pilotage, systèmes de combat), du jeu ( voir une précédente chronique sur les robots et drones), et (bientôt) du sexe. Pourquoi ? Par ce que ce sont des systèmes fermés et que ce sont des systèmes professionnels.

Des systèmes fermés parce que les interactions entre utilisateurs sont limitées à quelques personnes ou terminaux (un opérateur et un chirurgien distant ou un scanner volumique, un commando et son état-major, un drone Parrot et son iPhone de pilotage, et je vous laisse imaginer pour ce qui est du reste de la liste). En d'autres termes, c'est un humain expert ou un système expert qui va analyser et enrichir ce que voit l'utilisateur, et inversement ce que voit l'utilisateur enrichit ce que perçoit l'expert. Pas question donc, dans ce type d'application, de faire appel au web 2.0 ou à la "wisdom of the crowd", on est dans le vrai temps réel surimposé à la vraie réalité, avec des algorithmes complexes et souvent une grosse puissance de traitement, doublée d'une haute fiabilité. Et ce sont des systèmes professionnels fermés parce qu'ils sont de ce fait chers - et aussi parce que diriger une mission militaire réelle ou insérer un cathéter "en vrai" n'est pas à la portée de tout le monde et heureusement vu les risques !

Mais et nous, grand public ? Le paradigme heureux de la technologie pour tous et pas chère grâce à la loi de Moore et à l'internet pervasif ? Où est passé Layar ? Ou sont les Zugara, Astonishing Tribe, Occipital... ? Pas disparues, non, mais un peu... oubliées médiatiquement depuis 2010 - une éternité. Faites le ménage dans votre iPhone: depuis quand n'avez vous pas lancé l'application GeoChaser, Metro Paris Subway, Theodolite, ou iParking, pourtant si séduisantes dans l'App Store? En réalité, dans la vraie vie, plusieurs problèmes se posent :

  • D'abord, il faut posséder le terminal idoine et avoir accès à la connexion adéquate. Tout le monde n'a pas loin de là - ou ne peut pas se payer - au minimum un iPhone 3Gs et un abonnement data 3G illimité. Et, hors zone de couverture, certaines applis sont bonnes à jeter...ou sans module GPS intégré au téléphone, les applis seront inopérantes. Compter sur iParking pour retrouver sa voiture au niveau -5 d'un parking de Roissy peut s'avérer très... contreproductif.
  • Deuxièmement, on se lasse vite si les indications de réalité augmentée ne sont pas alimentées de façon pertinente. C'est à dire par une communauté qui partage la même problématique (signaler un radar sur la route, trouver un commerce de tel ou tel type, ...). Et s'il vous plaît, une communauté un peu "administrée", pour éviter les restaurants disparus, les localisations fantaisistes ou erronées ... Mais là, dilemme, des informations de qualité et vérifiées, ça se paie.
  • Troisièmement, l'effet de parc : les applications doivent avoir été téléchargées sur un nombre suffisant de terminaux... eux mêmes vendus en nombre suffisant - sinon, évidemment, pas de communauté. Ou alors la tentation est pour les éditeurs de s'appuyer sur les gros acteurs éprouvés (Google maps / places, ...). Google qui curieusement n'a pas encore vraiment fait le chemin inverse, depuis Street View jusqu'à la caméra du smartphone...
  • Quatrièmement, la puissance. Attendre 45 secondes au milieu de la place de la Madeleine, son iPhone à bout de bras, le soleil sur l'écran et la batterie presque vide que la page se charge n'est pas exactement la facilité d'usage dont on rêve. Around Me, bien connue des possesseurs d'iPhone, est typique : souvent utile en mode texte pour trouver un commerce ou service autour de soi, le mode réalité augmentée n'apporte... rien.
  • Enfin, la monétisation : je paye pour l'appli (et j'ai déjà payé cher pour le terminal, et je paye tous les mois pour la connexion - mais comment faisait-on avant ?). Ou bien l'appli est gratuite mais les données sont de qualité... aléatoire ? Ou alors, l'appli est gratuite mais le référencement des points d'intérêt est payant ? Ou bien les deux ? Une chose est sûre, par pitié, pas de pub !

Pour nous modestes "adopters", une technologie très prometteuse, qui fait toujours son petit effet, mais... encore balbutiante. Si l'on est en passe d'arriver à maturité sur l'effet de parc, les modèles économiques se cherchent et donc la fiabilité des informations "augmentées" aussi... Et encore faut-il en tirer un réel usage. Si les applications professionnelles dont on parlait plus haut constituent indéniablement un progrès -à défaut d'une révolution- le web 2.0 n'a pas encore révolutionné notre vision augmentée du monde. A suivre et pour ceux qui ont des enfants, à suivre de ce côté là surtout !

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