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The Next Big Thing : mécanique... sans mécanique?


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Le bon vieux moteur à essence dispose encore devant lui de beaux jours grâce à l'informatique embarquée - tout comme tout un tas d'engins de grand-papa qui retrouvent des performances inédites grâce à des commandes numériques - voire une mise en réseau. Séduisant? Ou terrifiant?

C'est certain, le bon vieux moteur à essence, plus que centenaire, a encore de très beaux jours devant lui. D'abord parce que les technologies alternatives et leurs infrastructures nécessaires ne sont ni vraiment performantes ni abordables, loin de là. Ensuite parce qu'il traverse une cure de jouvence électronique qui lui permettent d'accéder à des niveaux de performance inédits et jusque là hors de portée des solutions purement mécaniques jusqu'ici adoptées.

Fonctionnement immuable

Comment? Tout simplement en remplaçant les organes de liaison et de commande par des calculateurs et actuateurs numériques. Ca veut dire quoi? Tout simplement que dans le moteur à explosion classique, tout fonctionne au même rythme en fonction du régime : les soupapes s'ouvrent et se referment, l'allumage dans les cylindres, la production d'électricité dans l'alternateur, le liquide de refroidissement circule, les suspensions amortissent... tout cela plus ou moins vite selon que le moteur tourne plus ou moins vite, et surtout... que l'on en aie besoin ou pas, que la voiture soit chargée ou non, que le moteur soit froid ou chaud, qu'on soie en ville ou sur route, etc. Bref, ce sont des liaisons mécaniques, donc une loi de fonctionnement immuable, qui détermine le mouvement de tous ces organes. Sûr et éprouvé, mais pas très efficace, et surtout pas très économe...

Un génie dans le moteur

Dans le moteur du futur, fini les lois de commande figées, grâce à l'électronique, elles s'adaptent en permanence : moteur froid, la pompe a eau ralentit ; en ville ou en côte, l'allumage s'adapte ; batterie chargée, l'alternateur se découple ; la sonde du catalyseur se déclenche au besoin, la clim' ne tourne plus en permanence, la pompe d'assistance hydraulique (direction, freins) non plus, je choisis la raideur de la suspension... Bref, un bon génie optimise en permanence le fonctionnement ou le sommeil des divers organes, mieux et plus vite que vous et moi, grâce à deux révolutions : les capteurs, et les actuateurs numériques.

Dans le moteur de grand-papa, pas de capteurs ou presque (mis à part le témoin de charge de batterie et le sinistre voyant de pression d'huile, annonciateur de voyage gâché). Maintenant il y en une bonne trentaine rien que pour jouer du confort et la sécurité (si, si, comptez). Mais ce sont ceux qui ne se voient pas qui vont vraiment enterrer les moteurs de 2CV : ceux qui commandent les lois d'injection et d'allumage. Rien de bien nouveau dans votre Série 5 de fonction, me direz-vous... Mais si on vous dit que bientôt, plus de bougies mais à la place un rayon laser piloté qui déplace le point d'ignition dans le temps et l'espace, en fonction de la stratification exacte du mélange air/essence dans chaque cylindre, elle-même fonction des paramètres de température, régime, charge, ... et que les soupapes se lèveront et se fermeront au moment le plus efficace grâce à des bobines électriques elles aussi pilotées ? Et que cela pourrait bien permettre le retour en force des moteurs 2 temps, jusqu'ici gloutons et gaspilleurs, mais autrement si légers et performants ? C'est déjà à l'étude dans les labos. Comme quoi la recherche actuelle ne porte pas que sur la voiture électrique, loin de là...

Et les économies dans tout ça ?

Bref, avec des capteurs, un (ou plusieurs) calculateurs, et des actuateurs, on se débarrasse de la quincaillerie de grand-papa (arbres à cames, bougies, courroie de distribution) et on optimise en permanence le fonctionnement du moteur et donc la combustion de la très précieuse essence grâce à un calculateur qui change tout ca en temps réel en faisant les choix les plus efficaces. Et en plus, le moteur est plus léger (moins de quincaillerie, moins de chauffe) et plus fiable (moins de pièces mobiles). Et le TCO de pièces électroniques statiques est sans commune mesure avec celui de pièces métalliques tournantes et leur usure...

Donc normalement, les prix de ces petites merveilles de propulsion devrait baisser (d'autant plus que celui de l'essence montera?), grâce à la production en masse du hardware nécessaire (et j'inclus à terme dans le hardware, le bloc moteur lui-même). Le reste deviendra une affaire de logiciel et de traitement du signal... car tous ces "modules" doivent communiquer entre eux en temps réel afin d'assurer un fonctionnement harmonieux de l'ensemble.

Bon, vous me direz encore que dans votre série 5 de fonction, le multiplexage est là pour cela... mais imaginons que ces modules communiquent entre eux, c'est à dire d'un véhicule à l'autre?

Big Coyote is watching you

Voilà qui ouvre des perspectives intéressantes.

  • Tout le monde sait ou se trouve chaque véhicule tout le temps
  • A combien il roule, combien il consomme, si les phares sont allumés, ...
  • Si il y a des embouteillages devant
  • ...

Bref, du GPS personnalisé par les paramètres de fonctionnement de chaque voiture.

Mais on pourrait aussi avoir des lois de commande qui s'activent en fonction de paramètres externes et qui:

  • Interdisent d'aller plus vite que son voisin de file, ou de trop s'en approcher
  • Plafonnent la vitesse maximale sur un tronçon donné
  • Sélectionnent automatiquement le mode "éco" en ville et brident ou "égalisent" la capacité d'accélération au feu rouge...
  • Forcent l'arrêt du moteur a tel ou tel endroit
  • Forcent à rouler en convoi sur tel tronçon (même vitesse, même distance de sécurité)
  • Permettent aux forces de l'ordre de télécharger les paramètres de fonctionnement des dernières heures, ou... années ?

Ne manquera alors plus qu'un boîtier enregistreur des conversations dans l'habitacle, et un pot de peinture orange. Avec un peu d'anticipation romancière, on verrait aussi certainement l'irruption de "hackers" qui viendront modifier les lois de commande par des virus sournois, voire accidentogènes, et pourquoi pas des régimes totalitaires qui prendront à distance et de façon discrétionnaire les commandes à votre place ou vous immobiliseront... Les constructeurs automobiles seront nationalisés et tout le monde roulera dans la même voiture (en tout cas, une voiture qui aura la même informatique embarquée communicante sous le capot...), et tout le monde disposera aussi d'un quota d'essence gratuit puisque tout le monde consommera la même chose aux cent kilomètres. Alors, vivement la voiture électrique? Elle permettra exactement la même chose. En bien, et en mal.

Et, pour nos amis capital-risqueurs, financer les entreprises porteuses de ces technologies prometteuses sera plus facile pour nous tous - et moins coûteux que le passage au tout électrique avec le financement (probablement public) des infrastructures qui vont avec...

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