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Le vin de la semaine : Château Beaucastel - Château Neuf du Pape


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Il y a toujours un avant et un après. Je veux vous parler du choc que j’ai ressenti en dégustant un château Beaucastel 1986 il y a bien longtemps. Je n’ai jamais vénéré les étiquettes, et à l’époque encore moins puisque j’étais totalement incapable de citer le nom d’un grand cru. Le bordeaux générique et le Côte du Rhône de comptoir étaient les seules bouteilles trouvant grâce à mes yeux.

Un dîner dehors, un soir d’été, dans la belle propriété d Arzal, au pied d’une falaise avec un jardin donnant sur les derniers méandres de la Vilaine avant qu’elle ne se jette dans l’océan. Il n’y a pas de vin dans le Morbihan, seulement une cave, celle de mon ami. Un grand diner, de nombreux convives, des conversations légères. A la fin du repas, Frédéric a sorti de sa cave ce château Beaucastel 1986. Je n’ai guère fait attention à la bouteille, encore moins à la couleur du vin. Mais en bouche, j’ai eu une véritable révélation. Jamais je n’avais goûté un vin aussi complexe, avec des notes aussi différentes que celles de griotte, de cuir et de cèdre. Le vin s’attardait, s’amplifiait. J’ai immédiatement appris qu’un vin pouvait déclencher de belles émotions, qu’il contenait plus d’histoire qu’un simple produit de consommation. Qu’il pouvait faire tourner la tête en dehors de tout excès. Ce vin m’a ouvert les portes d’un monde complexe, fait de régions, de cépages, de millésimes et surtout de vignerons.

Beaucastel, le fleuron de Château Neuf du Pape. Je me suis rendu dans cette plaine, cet ancien lit du Rhône chargé de ces fameux galets roulés, arrachés des Alpes par le jeune Rhône alors plus torrent que grand fleuve. Il faut l’action conjuguée d’un fleuve proche, d’un soleil généreux capté et restitué par les galets et d’un mistral asséchant l’air, pour faire de Château Neuf du Pape un grand terroir. Il y a aussi l’histoire d ’un pape schismatique du 13ème siècle et enfin la volonté folle des vignerons de se complexifier la vie. Un bon Château Neuf du Pape assemble treize cépages différents rouges et blancs. Une fois dans sa vie, il faut se réciter la liste des treize cépages. Allons-y : le mourvèdre, le grenache, la syrah, le cinsault, le vaccarese, la cournoise, le terret noir, le muscardin, la clairette, le picpoul ; le picardan, le bourboulenc et la roussane. Ils sont tous plantés sur les 100 hectares de domaine. Ils sont tous récoltés à la main et tous vinifiés séparément.

Ensuite, c’est affaire d’alchimie ! L’assemblage de ces cépages construit un vin d’une exceptionnelle complexité. Les cépages du Languedoc Grenache et Cinsault donnent la chaleur, le mourvèdre du sud-est lui assure force et longévité. La syrah cépage roi du Nord au Sud de la vallée du Rhône lui apporte les épices. Les cépages blancs donnent la fraîcheur et les arômes de fleurs si rares dans un vin rouge. Boire un château Beaucastel, c’est à la fois élargir le champ du possible en ayant la garantie que la famille Perrin est à la manœuvre. Plus accessible, le Coudoulet de Beaucastel est en appellation Côte du Rhône car les vignes sont situées de l’autre côté de l’autoroute. C’est une bonne approche pour le château Beaucastel et une très belle alternative à de nombreux autres Châteaux neuf du pape.

J’ai visité la propriété de Beaucastel, j’ai volé un galet roulé dans les vignes et j’ai acheté quelques bouteilles. Attention, il n’est pas possible d’acheter de grandes quantités de ce Château Neuf du Pape. Elles sont limitées. Ensuite, il faut se faire un plaisir d’attendre ces bouteilles longtemps, très longtemps chez soi. Une petite dizaine d’années. Attendre c’est déjà la moitié du plaisir. Mais ce n’est que la moitié. Or, ma cave parisienne, comme de nombreuses autres, a été pillée. Mes Beaucastel se sont envolés. La mort dans l’âme j’ai appelé mon assureur, un type bien dans une société d’assurance en province. Je lui raconte mes malheurs et lui dresse la liste des vins volés. Je commence par les Beaucastel. Au téléphone, j’ai clairement entendu mon interlocuteur s’effondrer. Son vin préféré ! Nous avons pleuré ensemble sur sa disparition. Amis parisiens, un conseil : choisissez votre assureur avec autant de soin que vos vins en cave !

Chateau Beaucastel sur le web

  • Château Beaucastel rouge environ 50 euros
  • Château Beaucastel blanc environ 50 euros
  • Coudoulet de Beaucastel : environ 15 euros

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