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Le vin de la semaine : Montez, la relève du Rhône Nord


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Un rituel

Quand c'est bon et qu'on fait cela pour la deuxième fois, on aimerait que cela devienne un rituel. Disons que c'est un rituel. Le vendredi soir, je vais chez un de mes amis, italien, arrière petit fils d'un général de Garibaldi, doté d'une conversation brillante. Il m'emmène chez son caviste. Nous commençons par acheter un Maury que l'on débouche dans le magasin. La conversation commence. Elle s'éternise, nous goutons d'autres vins et nous repartons immanquablement avec une bouteille de Stéphane Montez, brillant vinificateur de la côte du Rhône septentrionale. Pour tout vous avouer, je ne connaissais pas ce vigneron. La première fois nous sommes repartis avec un de ses Condrieu. A la maison, nous attendait un beau turbot. Garni de gousses d'ail, arrosé d'un filet d'huile d'olive, le poisson est enfourné. Le temps de la cuisson nous causons à un de mes Cheverny de chevet : le domaine du Moulin. Dans un coin de la cuisine, des haricots blancs frais mijotent depuis près de 24 heures.

Surprenant Condrieu

Avec le turbot, nous débouchons ce Condrieu. C'est l'inconvénient d'aimer le vin ; on a une idée précise de ce que peut être un Condrieu avant même de l'avoir dégusté. On attend un beau gras sur une saveur reconnaissable entre toute de fleur blanche. C'est du moins ce que promet tout bon viognier. Mais la surprise vient dès l'attaque du vin qui ne correspond en rien à l'attente. Ce condrieu cultivé sur les dernières pentes du mont Pilat qui plongent dans le Rhône, surprend par sa fraicheur, son acidité parfaitement maîtrisée. En bouche, ce vin récite une pièce du répertoire classique mais avec une mise en scène résolument moderne. La diction est précise, tendue.

Surpris, je repose mon verre et regarde la bouteille. Elle est floquée d'une armoirie. Il faut vraiment que le breuvage éveille ma curiosité pour que je stoppe la conversation et chausse mes lunettes. La contre étiquette est un peu bavarde mais raconte que les armoiries proviennent du propriétaire du vignoble de Monteillet au XVIIème siècle. Ce vin a des quartiers de noblesse. Pourtant, il est résolument dans son époque.

Le turbot, les haricots blancs pratiquement compotés et ce viognier se marient parfaitement. La conversation glisse, les aphorismes se multiplient, mon ami regrette que les français n'aient plus qu'une vague idée de Montesquieu et un amour fané de la démocratie. Mon scooter me ramène à la maison.

Le Saint-Joseph, les yeux fermés !

Deux vendredi plus tard, même rituel, même caviste, même Maury. On discute de ces nouveaux Muscadet, tellement étonnant et tellement chers. C'est toujours la même chose, alors que je refuse d'acheter un muscadet à 3 euros, je me laisse tenter par un muscadet cinq fois plus cher. Tu verras, il ne ressemble pas à un muscadet, me dit le caviste. Et bien oui, il ne ressemble pas à un muscadet. En fait, il ne ressemble à rien. C'est fade, c'est surfait, c'est vide de sens. Je me jure que l'on ne m'y reprendra plus jamais. Je veux d'authentiques mauvais muscadet ou de vrais vin d'ailleurs.

Bon, on repart tout de même avec une nouvelle oeuvre de Stéphane Montez. Si le Condrieu a atteint ce niveau, on peut opter pour le Saint Joseph les yeux fermés. Cette fois ci, c'est une daurade royale qui aurait fait honneur à quatre convives qui nous attend. On s'y attaque à deux, je prend le dos, il prend le ventre. Je suis curieux de voir si le Saint Joseph est à la hauteur. Il l'est, et plutôt deux fois qu'une ! Les raisins sont issus de vieilles vignes de Marsanne et Roussane. Le fruit est plein, très présent en bouche, il éclate comme la gelée de Cotignac de ma grand mère. Il y a du coing, du miel, de l'amande. L'élevage en fût de chêne pourrait être un désagrément si le terroir de granit ne venait opportunément dissiper toute lourdeur.

Il nous reste autant de vendredi que notre emploi du temps nous en laissera. Il nous reste des Côte Rôtie de Stéphane Montez à découvrir. Il nous reste de belles promesses.

  • Stéphane Montez vignobles du Monteillet. Condrieu environ 30 euros
  • Stéphane Montez vignobles du Monteillet. Saint Joseph 2009 environ 15 euros

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