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Le vin de la semaine : Rayas, un seigneur dans un verre en plastique


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Un soir d'anniversaire entouré d'une quarantaine d'amis nous passions un douce nuit de septembre dans la cour. Beaucoup de mes amis aiment le vin, d'autre le boivent simplement. L'un d'entre eux n'y connaît rien mais viderait une cave sans barguigner. Il s'était pris de passion pour un nouveau réseau social encore totalement méconnu à l'époque et avait entrepris d'évangéliser l'assistance à Twitter. Il officiait sur une table dans la cour, expliquait l'intérêt de ces micro blogs, s'échauffait et ne se levait que pour prendre une nouvelle bouteille, l'ouvrir et relancer la discussion. Sa thèse était assez simple : si vous n'êtes pas sur Twitter, vous êtes morts.

Des vignes orientées Nord

J'avais reçu ce soir là en cadeau, une bouteille précieuse : un chateau Rayas 1998. C'est une rareté, un joyau de Chateauneuf du Pape. Un vin totalement atypique. Sur seulement 10 hectares de terre sabloneuse et pauvre, la famille Raynaud signe le plus grand vin du Rhône. Première particularité, il est vignifié uniquement avec le cépage grenache. Deuxième, les vignes sont orientées au Nord pour privilégier la finesse sur la puissance. Mon erreur a été de ne pas porter cette belle bouteille dans ma cave directement. Elle trônait sur la table. J'avais promis à celui qui me l'avait offert de trouver une belle occasion pour la partager.
Mais à côté, dans l'atelier Twitter, les esprits s'échauffaient, les bouteilles tournaient. Mon ami, ce soir là définitivement plus "geek" qu'épicurien, se leva, prit la bouteille de Rayas, ramassa les seuls verres qui étaient encore propres - ceux en plastique. Il déboucha la bouteille et généreusement versa le précieux nectar dans les verres de la honte. Je passais par là, jetai mécaniquement un coup d'oeil à la bouteille et découvrit horrifié le sort qu'on réservait à ce grand seigneur. Sans l'interrompre, je captai la bouteille, courut à la cuisine, lavai des verres dignes de ce nom et formai illico un carré VIP.

Les verres de la honte

La rumeur s'est vite propagée et les plus gourmets de mes amis ont été admis dans le carré des privilégiés. Le Rayas en avait déjà pris un coup. Nous avons partagé le reste, debout, en maudissant Twitter. Mais le peu qu'il restait de ce vin était grandiose. Il dégageait des arômes très précis de cerise et de framboise. La couleur était assez claire, surprenante pour un Chateauneuf du Pape. En bouche, on retrouvait avec précision les fruits que le nez avait déjà perçu. Mais l'élevage - de très longs mois en fût de chêne - lui conférait une rare suavité.

Depuis cette soirée, j'ai dégusté une autre bouteille de Rayas et je me suis mis passionnément à Twitter. Dans mon esprit, les deux sont associés. Il n'y a pourtant pas deux conceptions plus opposées. La rareté, la complexité et l'éducation du Rayas contraste fortement avec l'immédiateté, l'abondance et parfois la vacuité de ce réseau social.

  • Chateau Rayas 1998 : pratiquement introuvable

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