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Le vin de la semaine : château Yquem 1990


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Mon premier Yquem

On ne peut être précoce en tout. Premier amour, premier enfant, première déception. J’ai attendu un âge avancé pour goûter mon premier Yquem. Manque d’ambition ou plus surement de moyens. Mais il y a quelques années, nous fêtions le passage d’une décennie chez l’un de mes amis, amoureux des grands liquoreux de Sauternes. Une qualité qui se perd de nos jours. Les Sauternes n’ont plus la cote chez l’amateur. Ces vins de grande facture ne sont plus dans l’air du temps. Les mariages avec le dessert ou le foie gras ont fatigué les plus traditionnels et il n’est guère aisé de sortir une bouteille de 1er cru classé de Sauternes dans un dîner. C’est devenu un luxe qui n’est plus apprécié à sa juste valeur par la plupart de nos contemporains.

Botrytisation

Sauf peut-être chez quelques passionnés qui forment un cercle restreint dans lequel mon ami tient son rang. Pour lui, le luxe n’a de prix que s’il agrémente l’ordinaire des gens qu’il aime. Il réserve à ses têtes à têtes avec sa femme le château Yquem 1999, un millésime qu’il considère comme très féminin. Mais en ce soir d’anniversaire, il avait sorti un Yquem 1990. Un monument qu’il attendait de déguster pour faire la passe de trois. Après le 1988 et le 1989, le millésime 1990 clôt une trilogie d’exception. Un ami œnologue m’avait appris qu’un grand vin se déguste seul, avant de passer à table. Nous avons goûté le château Yquem 1990 sans accompagnement et, surtout, debout. Etre debout n’est pas seulement une politesse envers ce divin nectar, c’est une nécessité ! La dégustation de ce château Yquem fut pour moi une expérience quasi médicale. On ne connaît pas suffisamment son système digestif. La botrytisation le révèle sous un jour nouveau. Le vin coule lentement dans votre corps, il emplit tout votre être. Nous étions abasourdis par la complexité de ses arômes, riches mais sans ostentation, mûrs mais sans opulence, droits mais caressants. Nous nous perdions à chercher des notes de pâte de fruits, de compote de coing, de miel et d’acacia. Nous nous surprenions à mesurer la chaleur qu’il diffuse et l’intensité de son rayonnement.

Un sermon de Bossuet

A 16 ans d’âge, cette bouteille était au sommet de son art. Baroque dans sa jeunesse, ce château Yquem avait vieilli comme un sermon de Bossuet : improvisé, éloquent, interminable et soutenu par une langue parfaite. Les oraisons funèbres de l’évêque de Meaux ont accompagné le crépuscule du Grand siècle. Quoi de mieux qu’un grand Yquem pour enterrer une décennie. Nous reparlons souvent de cette expérience inoubliable. Mon ami est intarissable sur les millésimes de 1986 à 2000 et parle souvent d’un extravagant 1997, qu’il n’a malheureusement pas en cave. Mais le 1990 a une place à part pour lui. Ne jurant que par la famille Lur Saluces, ancienne propriétaire d’Yquem, cet ami accompagne sa verticale d’Yquem par l’achat de quelques bouteilles du château de Fargues, le refuge d’Alexandre de Lur Saluces. Il me promet que l’achat d’un millésime 1990 de ce château sera l’occasion de rendre une nouvelle fois hommage à la magie du Sauternes. A suivre donc!

Voir le blog du Château Yquem

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