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Capital Risque - vie impossible, mort improbable


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La chronique de Diogène - Capital Risque : vie impossible, mort improbable

Que se passe t-il quand on envoie un dossier à un fonds et que l’on n’a pas de contact ? Rien, il ne se passe rien, me dit mon interlocuteur. Pas de réponse. Il faut appeler, relancer…

Les capital risqueurs seraient-ils surchargés ?

Et pourtant j’en connais des VCs, des vrais, ce sont des gens sérieux, bosseurs et surtout passionnés par leur métier.

Ce qui est vrai c’est que le Capital Risque souffre. Les performances au niveau global des fonds (malgré quelques belles sorties comme celles de Sofinnova par exemple sur Corealve ou Fovea, ou d'Alven Capital dans Companeo ou Liligo plus récemment)... ne sont pas là. Bien sûr, la crise a eu un effet dévastateur sur les portefeuilles avec deux conséquences importantes : le développement prévu dans les « business models » d’origine met plus de temps à se réaliser, et il faut donc parfois refinancer les sociétés ; et surtout, l’horizon de sortie des participations est mécaniquement plus éloigné. Cela implique que les TRI de ces fonds seront grandement affectés. Et cela est un vrai problème.

« Un fonds de capital-risque doit générer une rentabilité élevée » (Wikipedia, définition du Capital Risque).

Aie ! Mais justement ces TRI quels sont-ils ? Tout le monde le sait (et on le voit aussi sur les sites des FCPI), ils ne sont pas bons. Et avec la crise qui a frappé les portefeuilles ils ne vont pas s’améliorer. Cela dit, quand ils sont basés sur la valeur liquidative, ils ne veulent rien dire tant que l’on n’a pas vendu. Et l’histoire de ce métier est constituée de grandes et belles surprises. Il y a donc toujours des deals, il y donc toujours de belles sorties, mais le problème de la rentabilité des fonds, notamment FCPR est posé avec à la clef l’enjeu de le levée des fonds futurs auprès d’investisseurs institutionnels.

Face à ce sujet l’ Afic nous informe dans son dernier rapport qu’elle s’inquiète… Mais que ne propose t-elle pas un plan d’action ? Et puis, cela fait des années que la question se pose auprès des membres de l’Afic de savoir si on peut mettre dans le même panier les fonds LBO, secondaires etc… avec les fonds de Capital Risque qui ont une toute autre problématique. N’ est-il pas temps que ce débat soit tranché ?

FCPI/FCPR : il y a aussi un sujet de lisibilité dans ce secteur.

La problématique de levée de fonds n’est pas la même pour les FCPR que pour les FCPI. Lever un FCPR de 100 M€ auprès d’investisseurs institutionnels est un vrai parcours du combattant. Je ne parle même pas ici de lever un nouveau fonds avec une équipe nouvelle. Lever un FCRP de 100 M€ par rapport à collecter l’épargne publique en faisant bénéficier les souscripteurs d’un avantage fiscal ? L’effort n’est-il pas inégal ? Surtout que, les FCPI ne « vendent » pas forcément en premier lieu les performances passées. Pour ces derniers ce n’est donc pas la même histoire. Et ils sont maintenant organisés en machine de guerre s’appuyant sur des réseaux de collecte efficaces pour chaque levée. Certes de gros nuages semblent chaque année s’amonceler sur ces « niches fiscales », mais le bon sens a jusqu’à présent prévalu quand au maintien de ces avantages.

Difficile donc pour un FCPR de se vendre, difficile de perdurer dans ce métier au vu du contexte actuel. Cela pose la question de l’avenir du Capital Risque technologique en France à travers ce type de véhicule. Il est urgent d’adresser le problème. Aujourd’hui apparemment seuls les entrepreneurs montent au créneau. Et ici il faut encore une fois saluer la levée de véhicule comme Isai (early stage), Il faut saluer ces family offices (Charles Beigbeder) ou business angels ou encore ces petits fonds d’entrepreneurs (celui de Kima Venture ou de Jaina Capital par exemple) qui se montent pour investir dans des projets nouveaux.

Oui il faut redonner un souffle au capital risque

Comment ne pas réagir face aux fonds qui se terminent et ne pourront plus lever ? Combien d’autres équipes vont-elles devoir arrêter dans les deux années qui viennent ? Comment aider les vrais indépendants (comme Auriga, Sofinnova, Partech, Banexi Ventures, Iris Capital, I-Source, Alven etc…) qui doivent à chaque fois repartir à zéro pour lever de nouveau fonds et convaincre leurs investisseurs ? Il ne faut pas oublier que sans investisseurs il n’y a plus de fonds. C’est donc bien le financement de la technologie qui est en jeu. Or les équipes de ces fonds possèdent une vraie expérience d’investissement mais surtout une expertise technologique. Et là est le vrai enjeu pour demain.

Oui, me dira t-on, mais n’est- il pas plus facile aujourd’hui d’investir sur des sites en.com..comme par exemple le nouveau site que je lance, si ce n'est déjà fait, www.louermonchien.com? On voit très bien comment gagner de l’argent sur un tel projet. Aucune validation technologique, analyse rapide du marché de la location de chien pour gens esseulés, boom de l’e-commerce, équipe performante avec beaux diplômes, spécialiste en psychologie du chien… Et l’avantage de ce beau projet, c’est qu’il n’y a pas de validation technologique, car tout de suite il va rencontrer un marché ( lire à ce propos ci-dessous l' enquête de CFnews sur le e-commerce).

Très bien, mais les futurs leaders technologiques de demain, mais la Biotech, le Medtech, l’IT…… Oui je sais le problème est que dans ces fonds la plupart des responsables d’investissement sont amoureux de la technologie et ne pensent pas marché, création de valeur, sortie, etc….Certes mais peut-être y a-t-il là, justement, une réflexion à mener. Une reflexion dans laquelle la Caisse des Dépôts, compte tenu de sa mission a tout son rôle à jouer.

Le rôle de la Caisse, justement, quel est-il ?

Je ne parle pas de ce qui est lisible sur le site web, mais dans la pratique. Nous savons tous que lancer un nouveau FCPR sans que la Caisse abonde est un exercice très difficile. A ce sujet, un de mes contacts qui réfléchissait à monter un fond innovant est allé avec son équipe les voir pour parler de son projet. Avec naïveté il attendait des conseils, de l’aide. Il a surtout attendu trois mois avant d’avoir une réponse.

Alors ce que l’on attend, Messieurs de la Caisse, c’est une vraie vision, une impulsion, c’est une politique définie, constructive, et concertée avec les acteurs en place.

Un Small business act boursier

Ainsi par exemple, l’idée d’une vraie plate forme d’investissement pour soutenir la technologie est à explorer. Pourquoi ne pas fédérer un certain nombre de talents dans un véhicule plus large ? La taille de ces FCPR n’est-elle pas trop petite aujourd’hui pour accompagner de vrais projets . Trouver un véhicule qui serait aussi capable d’ intervenir successivement à tous les stades de développement.

Certains comme Auriga - ou d’autres - ont réfléchi sur ce sujet. Mais sans impulsion globale l’exercice reste difficile. Les britanniques ont annoncé la semaine passée la création d’un « pledge fund » abondé par six des plus grandes banques du pays afin d’injecter £1bn dans les sociétés financés par le Capital Risque afin de les recapitaliser. £1bn c’est beaucoup ? Que ne peut-on mettre en place un tel schéma chez nous ?Mais sur ce thème il y a pourtant une vraie mobilisation. Ainsi Christine Lagarde a remis un projet de « Small Business Act » boursier à Michel Barnier en début d’année. Projet visant à dynamiser l’entrée en Bourse des ETI. Et Euronext a lancé une série d’initiatives. Cela va dans le bon sens. Saluons aussi la lettre ouverte de Croissance Plus pour le maintien du Crédit d'Impôt Recherche : "... Pour
 rester
 dans
 la
 course,
 la
 France
 doit
 laisser
 mûrir
 ses
 graines
 de
 champions,
 et
 non 
les 
condamner 
à 
leurs 
prémisses ... "

Et puis il y a aussi le problème des sorties qui se pose

Je me souviens que la contrepartie de ce métier pour les équipes de fonds, était de jouer le « carried interest », partage légitime d’investissements judicieux. Combien de Capital Risqueurs ont-ils vraiment gagné de l’argent avec leurs « carried interest » ces dix dernières années ? A mon avis peu comparé aux Partners de fonds LBO.

Je me souviens aussi d’une époque dans l a Silicon Valley. Il m’avait frappé que les VCs ne mettaient pas de cravate, certains étaient même en polo. Allez donc faire un tour sur la plupart des websites français et regardez la présentation des équipes. Peut-être est-ce cela aussi la clef du renouveau, que les VCs ne mettent plus jamais de cravates.

Je me souviens, que la toute première société de capital risque, American Research and Development Corporation « AR&DC » a été fondée en 1946 par un français, le général Georges Doriot. Et que ce dernier après avoir investi 70 000 $ en 1957 dans la société DEC à bénéficié d’une plus value de 355 M$, soit un TRI annuel de 101% quand DEC a été introduit en bourse en 1968.

Lire aussi :
Etude - M&A : le secteur internet et e-commerce emballe (1ere partie) - 08/10/10
Etude - M&A : le secteur internet et e-commerce emballe (2eme partie) - 15/10/10

Ainsi va la vie dans le non coté. Bonne semaine.

Diogène

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