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L'IBO : un nouvel outil de financement pour les PME cotées et non cotées


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De nombreux avantages découlent de la nouvelle offre Nyse-Euronext permettant aux PME d'émettre des obligations dès 5 M€, souscrites aussi par des particuliers, analyse Louis-Victor d'Herbes, associé gérant d'IBI.

Le promoteur aménageur immobilier lyonnais coté sur Euronext, Capelli, vient de procéder le 28 novembre dernier à une émission obligataire de 11,7 M€ souscrite à hauteur de 4,1 M€ par les particuliers dans le cadre de l’IBO mis en place par Nyse Euronext au cours de l’été 2012. C'est la première (lire ci-dessous) de nombreuses IBO espérons le. Pour cette opération, le taux d’intérêt fixe annuel brut (hors frais, commissions et fiscalité) est de 7 % payé semestriellement pendant cinq ans, le capital étant remboursé in fine avec une option de remboursement anticipée à compter d’une période de trois ans après l’émission. Un effort de gestion énergique a permis à cette entreprise de ramener en quatre ans son ratio d’endettement net de 120 % à zéro (voire légèrement négatif) au dernier exercice clos, ce qui a contribué à l’obtention d’une note BBB et d’un taux de 7 %, inférieur à celui de l’émission précédente de juillet 2012 qui avait permis à l’émetteur coté sur Alternext de lever 9,8 M€ à un taux de 8 %.

L’Initial Bond Offer (appelée IBO) est un nouvel outil nouveau de financement en ce qu’il permet à des PME d’accéder au marché obligataire pour des émissions d’une taille minimum de 5 M€ et à des investisseurs particuliers d’accéder à ces émissions, les ordres des particuliers étant centralisés par Nyse Euronext selon le même processus qu’une introduction en Bourse (Initial Public Offer - IPO).

Les bénéfices retirés par les entreprises sont nombreux :

  • Pas de dilution du capital, l’entreprise cotée sur Euronext ayant pu obtenir 11,7 millions € en obligations le 28 novembre 2012 alors que sa capitalisation boursière s’élevait à 15,5 millions d’euros pendant l’émission. Pour obtenir ce même montant en capitaux propres, il aurait fallu que l’actionnaire ancien accepte une réduction de sa participation de 43% ! Si cet émetteur n’avait pas été coté, une telle émission aurait été également possible sans extériorisation de valorisation puisque les obligations émises n’offrent pas d’accès au capital ( lire ci-dessous note 1)
  • Pas de covenants (lire ci-dessous note 2) à respecter. Cette absence de covenants ne dispense pas pour autant de calibrer le montant d’une émission obligataire en tenant compte de la couverture des frais financiers par L’Ebit (résultat d’exploitation); de la capacité de remboursement du capital en nombre d’années de cash flows, et de la capacité d’endettement (gearing le plus souvent inférieur à 1).
  • Pas de garanties spécifiques à consentir, le rang de créance des obligations étant chirographaire, c'est-à-dire sans priorité de remboursement. L’absence de garanties trouve une contrepartie dans la fixation du taux : un taux plus favorable peut être obtenu si l’émetteur consent une garantie réelle.
  • Remboursement in fine, c'est-à-dire en fin de période, cet avantage devant être tempéré par la nécessité absolue de prévoir dès la troisième année un échéancier de remboursement pour être en mesure de faire face au remboursement du capital en fin d’année 5, ce qui suppose un réel de prévision et de visibilité quant à la rentabilité des investissements financés par l’émission obligataire. Pour autant, s’il est bien géré, le remboursement in fine constitue un avantage considérable si les investissements portent leurs fruits au terme de cinq ans.
  • Pas d’exposition de la valeur de l’entreprise aux fluctuations de marché, que l’entreprise soit cotée ou non. L’entreprise peut même racheter ses propres obligations au terme de quelques années dans le cadre de la gestion de sa dette, si elle juge ce rachat attractif.

Taux attractif

En outre, d'une maturité plus longue, le financement obligataire permet de disposer d’une ressource comprise entre cinq à parfois plus de dix ans, selon la solidité de l’émetteur. Cette ressource reconstitue la capacité d’endettement à court terme.

Par ailleurs, le taux est attractif pour l’émetteur au regard de la maturité de la ressource, actuellement de 7 % pour une valeur moyenne cotée avec une notation « Investment grade » - BBB, ou moins de 5 % après IS. Le taux de 7 % est aussi attractif pour l’investisseur compte tenu de la faiblesse très anormale des taux proposés pour rémunérer l’épargne. À ce taux doit être ajouté le coût d’accès au capital, ou coût de l’émission, amorti sur la durée de celle-ci, et qu’il revient à un conseil vigilant de porter à un niveau aussi compétitif que possible pour que l’opération soit économiquement viable.

Un process structurant

Ce processus est en outre structurant pour l’entreprise, laquelle est tenue de « faire le point » en préparant une documentation rigoureuse visée par l’AMF, même si les actions de l’entreprise ne sont pas cotées.

La notation de l’émetteur par une agence, obligatoire dans le cadre d’une IBO (voir note 3), est aussi l’occasion pour l’émetteur de procéder à l’inventaire de ses forces et faiblesses à l’aide d’un modèle de notation clair, cohérent dans le temps, adaptable en fonction des métiers, et appréhendant les dimensions qualitatives et quantitatives des entreprises. La notation est elle aussi structurante, et peut même constituer la première étape du processus d’amélioration continue d’une performance financière indispensable à l’entreprise pour fidéliser les investisseurs, lever des capitaux supplémentaires, et rester pérenne. "Ce qui se mesure s’améliore".

L'entreprise a aussi accès à une épargne diversifiée, vivante, composée d’investisseurs individuels et d’investisseurs institutionnels. Ces derniers ont toujours accès aux opportunités offertes par les entreprises cotées et non cotées, ce qui est plus difficile pour un investisseur individuel non équipé pour détecter, analyser, négocier et suivre un investissement.

Une offre simple pour l'investisseur individuel

La « beauté » de l’offre est que les investisseurs individuels peuvent souscrire une obligation d’entreprise cotée ou non cotée dans les mêmes conditions que s’il s’agissait d’une action lors d’une entrée en Bourse. Ainsi, les particuliers qui ont un compte titre à leur banque ou chez un courtier en ligne peuvent souscrire en direct, il leur suffit de passer un ordre via internet ou via un bulletin de souscription papier par la Poste auprès de leur banque, ou auprès de leur courtier en ligne qui remontent les ordres ainsi recueillis chez Nyse-Euronext pour centralisation. Centraliser signifie recueillir au même endroit et compter les montants souscrits. Cela n’est possible à Euronext que dans la partie de la souscription ouverte au public dite « offre au public ». L’autre partie de la souscription est le placement à destination des investisseurs institutionnels centralisé par le prestataire en services d’investissement teneur du livre des ordres qu’il aura recueillis.

Ceci s'accompagne d'un suivi permanent de l’opération. L’émetteur d’obligations cotées peut, s’il le souhaite, mettre en place un contrat de liquidité avec un prestataire en services d’investissement afin de faciliter les échanges d’obligations. Ce contrat n’est nullement obligatoire si un nombre suffisant d’échanges s’opère naturellement, c'est-à-dire sans fluctuation excessive de cours, mais est souhaitable dans le cas contraire par égard pour l’investisseur, afin d’atténuer d’éventuelles anomalies temporaires de marché, et de lui permettre d’évaluer ou de rendre son bien liquide à l’appui d’une cotation juste.

La Bourse tient avec l’IBO sa vocation fondamentale d’outil de financement, en mettant en contact les investisseurs avec les émetteurs d’actions ou d’obligations. L’intensité des échanges est mesurée par une cotation sur un marché accessible à tout épargnant qui désire exercer sa liberté d’investir.

Notes de l'auteur

1. L’obligation a un terme fini, celui de l’action est indéfini. Le revenu d’une obligation se compose d’un coupon le plus souvent fixe, quel que soit le résultat de l’entreprise, ou déterminé par une formule de calcul, celui d’une action est constitué d’un dividende si les résultats le permettent, approuvé souverainement par les actionnaires. Une action se comptabilise en fonds propres, une obligation en dette financière. Une obligation peut être simple, sans accès au capital, ou offrir un accès au capital par une option de conversion ou de remboursement en action. En symétrie avec la dette mezzanine qui inclut un accès au capital. C’est la convergence des financements

2. Covenants : Clauses insérées dans les contrats de prêt qui réduisent la marge de manœuvre des actionnaires qui ne peuvent procéder à certaines opérations (relatives le plus souvent à la politique d’investissement, la politique de dividende, le niveau d’endettement net et le remboursement anticipé) sans avoir reçu préalablement l'accord des créanciers. À défaut, les prêts deviennent immédiatement exigibles. Source : Vernimmen 2013

3. Dans le cadre d’une offre au public obligatoire, pour les sociétés répondant à la définition européenne d’une PME et présentant, d’après leurs derniers comptes annuels ou consolidés, au moins deux des caractéristiques suivantes : nombre moyen de salariés inférieur à 250 personnes sur l’ensemble de l’exercice, total de bilan inférieur à 43 M€ ou chiffre d’affaires net annuel inférieur à 50 M€. Source : Nyse-Euronext.

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