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La Healthtech reste zen

Rencontrés à l'IPEM, les investisseurs de la santé s'affichent confiants. Pour l'instant la dry powder est abondante et les conditions de financement pèsent peu. Mais tous se concentrent sur leur portefeuille et se préparent à prolonger leur séjour au capital de leurs participations.

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© Adobe Stock

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Quand la santé va, le reste suit, dit-on. Mais quand « le reste » frissonne, comment la santé réagit-elle ? Dans les allées de l’IPEM, les fonds d’investissement spécialisés healthtech (biotech, medtech, e-santé) ne semblent pas spécialement fébriles. « C'est une crise, pas un choc », relativise Mounia Chaoui, directrice associée chez Turenne Groupe. « Les biotech se sont effondrées en bourse et cela peut donner l’impression que le secteur est grippé. Mais le private equity est décorrélé des marchés boursiers », rappelle Jacques Rossignol, associé fondateur du fonds de growth Techlife. Reste que du sort des biotech dépend une chaine de fournisseurs de matériels et de services (CMO, CDMO). Et que, si l’année a commencé avec de belles annonces, à l’instar d’Amolyt qui révélait sa levée de série C à 130 M€, on note toutefois un fléchissement des investissements dans ce segment, matérialisé par la multiplication des extensions de tours… en attendant bientôt des jours meilleurs ? C’est ce que tout le monde veut croire. Les professionnels affichent d’autant plus leur confiance que le contexte a beaucoup changé depuis les crises précédentes en ceci notamment que la dry powder est abondante et que le secteur biotech est aujourd’hui mieux compris et « pas remis en question ». Surtout, de l’avis de tous, la healthtech dans sa globalité a démontré sa résilience.

Protéger les lignes

Catherine Boule et Baudouin, Hue Karista

Catherine Boule et Baudouin, Hue Karista

En 2022, d’ailleurs le rythme des investissements est resté soutenu. Mais les circonstances - fermeture des marchés boursiers, inflation, hausse des taux, difficultés d’accès au financement…- pourraient amener les investisseurs à adapter leurs stratégies. La plupart des équipes confient se concentrer sur leurs participations même si, selon la plupart d’entre elles, les sociétés se portent bien. « Globalement, notre portefeuille s’apprécie dans un contexte où les comparables boursiers ont subi une sérieuse décote », rapportent Thierry Chignon et Caroline Folleas, chez Mérieux Equity Partners, se faisant écho du discours général. Mais partout, on est « hands-on » pour soutenir la création de valeur. Et particulièrement vigilant pour que les sociétés puissent aller le plus loin possible avec moins. « On s’adapte à la situation des entreprises en concentrant l’investissement sur ce qui préserve la croissance, explique Pierre Moustial, associé fondateur de Lauxera. On identifie et on se concentre sur les priorités. » En amont, les spécialistes du early-stage sont en ordre de marche pour soutenir leurs participations plus longtemps si besoin. « Nous nous préparons à faire le dos rond, expliquent Catherine Boule et Baudouin Hue chez Karista. Nous allons nous concentrer sur notre portefeuille, protéger nos lignes et serons encore plus vigilants sur les équipes. »

Opportunités à saisir

Pauline de Breteuil, UI Investissement

Pauline de Breteuil, UI Investissement

Alors qu’il démarre une nouvelle vie en se rapprochant d’UI Investissement, Majycc (en cours de levée de 100 M€) se repositionne et cible désormais « les biotech en phase 2 d’essais cliniques, les medtech qui sont prêtes pour le marquage de leur dispositif ou les entreprises d’e-santé déjà sur le marché pour combler un trou dans la raquette. Nous ouvrons le jeu. Il existe des opportunités qui ne sont pas couvertes par les sociétés de gestion françaises », affirme Pauline de Breteuil, directrice associée chez UI investissement. Des opportunités, le marché n'en manque pas avec des tendances de fond qui se prolongent et d’autres qui émergent ou montent en puissance. « L’externalisation de la R&D des big pharma vers les biotech se poursuit et le phénomène s’enclenche dans le digital. Le virage de l’externalisation a également été pris en medtech, » note Baudouin Hue. En parallèle, les laboratoires continuent à céder des molécules anciennes pour se concentrer sur les thérapies innovantes, ouvrant de nouvelles perspectives aux porteurs de projets qui se font fort de les « dépoussiérer ».

Réajustement des valos ?

Pierre Moustial, Lauxera Capital Partners

Pierre Moustial, Lauxera Capital Partners

Pour l’heure les niveaux de valorisation pas plus que les conditions de financement ne semblent poser réellement problème. Les premiers seraient devenus plus raisonnables. « Les entrepreneurs sont redescendus sur terre » assure Pauline de Breteuil. Il y a fort à parier donc que le marché continuera à se réajuster, même si on n’exclut pas encore quelques valorisations spectaculaires. « Le marché n’est pas homogène, module Pierre Moustial et il existe une vraie différence entre les entreprises rentables et celles qui ne le sont pas encore. Plus elles se rapprochent du seuil de rentabilité, plus les healthtech sont valorisées et les fonds sont d’autant plus enclins à investir que le cash burn tend à diminuer. » Parmi les sociétés particulièrement prisées figurent celles qui offrent des gains de productivité (au stade de la recherche, dans l’organisation du parcours patient, au sein des salles d’opérations, dans la gestion hospitalière…), jugées plus résistantes à la crise.

Les banquiers toujours là pour la dette...

Jacques Rossignol, Techlife Capital

Jacques Rossignol, Techlife Capital

Quant à la dette, ce n’est pas une préoccupation majeure. « Finançant des projets de croissance, nous actionnons un levier maximum de 3x pour nos dettes, précise Jacques Rossignol. Dans le small et le mid-cap, on n’a pas de problème pour trouver des partenaires bancaires. Sinon, les fonds de dette privée sont une alternative. » Une alternative qui, parce qu’elle coûte plus cher, peut inciter les investisseurs à faire preuve de créativité. « Il est tellement difficile de trouver des actifs de qualité que la question du financement est presque accessoire, à condition de pouvoir agir sur le prix, c’est la variable d’ajustement : il faudra payer moins cher pour obtenir son rendement », explique, en marge du salon, Domitille de Vienne, VP en charge du secteur de la santé chez Permira.

Une question reste en suspens, celle de la cession quand elle se posera (et elle se posera !). « Jusqu’ici tout va bien », répète-t-on à l’envi. Avec la fermeture du marché boursier, l’abondance de poudre sèche et des stratégiques à l’affût, on peut toutefois se demander jusqu’à quand.

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KARISTA (EX CAPDECIS...
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