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Afrique #112 : Adwia, CrossBoundary, Chipper Cash, CEMAC...


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L'acquisition du fabricant égyptien de médicaments génériques Adwia Pharmaceuticals par DPI, CDC Group et la BERD est le point de départ de la création d'une plateforme biopharmaceutique panafricaine par ce consortium d'investisseurs européens. - © Adwia Pharmaceuticals/CFNEWS

L'acquisition du fabricant égyptien de médicaments génériques Adwia Pharmaceuticals par DPI, CDC Group et la BERD est le point de départ de la création d'une plateforme biopharmaceutique panafricaine par ce consortium d'investisseurs européens. - © Adwia Pharmaceuticals/CFNEWS

Industrie pharmaceutique : Adwia Pharmaceuticals / Celon Laboratories / CDC Group / BERD / DPI (Égypte / Inde / Royaume-Uni / Europe)

Événement d’importance en cette période sanitaire et économique troublée, une nouvelle plateforme biopharmaceutique panafricaine vient de voir le jour, avec pour ambition d’améliorer la disponibilité et l'accessibilité financière des produits pharmaceutiques essentiels dans toute l'Afrique. Son lancement est le fruit de la réunion des forces de trois investisseurs européens : la firme de private equity britannique Development Partners International (DPI) - par le biais de son véhicule ADP III - associée à l’agence britannique de financement du développement, Commonwealth Development Corporation (CDC Group), et à la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD). Conjointement, ils ont déboursé 210 M€ (250 M$) pour acquérir une part majoritaire dans le capital du fabricant égyptien de médicaments génériques Adwia Pharmaceuticals. CDC Group a injecté 84 M€ (100 M€), ses partenaires contribuant chacun à hauteur de 63 M€ (75 M$) environ. Le consortium d’investisseurs a racheté les 90 % détenus jusqu’à présent par le président d’Adwia, Hossam Taher, et sa famille, et a acquis une part minoritaire auprès des professionnels de la santé contrôlant le solde. Selon plusieurs médias locaux, les nouveaux actionnaires se seraient ainsi arrogés 99,6 % du capital. Étudiant depuis plusieurs années la création d’une plateforme pharmaceutique panafricaine, DPI avait récemment entamé des négociations en vue du rachat d’Adwia Pharmaceuticals. Le fabricant égyptien fondé en 1984 avait rejeté la proposition de 126 M€ (150 M$) du britannique, estimant le montant très insuffisant, compte tenu de la croissance actuelle de l’industrie pharmaceutique, fortement soutenue par le coronavirus.

Celon Labs

Celon Labs

Parallèlement au rachat de cette entreprise cairote, ils ont mis la main en Inde sur une société d’oncologie et de soins intensifs, Celon Laboratories, fusionnant ensuite ces deux structures pour créer une plateforme pharmaceutique panafricaine d’un capital cible de 632 M€ (750 M$). Le cabinet international Freshfields Bruckhaus Deringer a apporté son expertise juridique lors des transactions, aux côtés de deux confrères égyptien (Matouk Bassiouny & Hennawy) et indien (Shardul Amarchand Mangaldas & Co). Le financement initial apporté permettra à Adwia Pharmaceuticals de soutenir sa croissance en Égypte, moderniser ses actifs de fabrication, introduire des produits à plus forte valeur ajoutée, et améliorer ses normes de santé et de sécurité ainsi que la qualité de ses produits. En s’appuyant sur le centre de fabrication de médicaments et de R&D de l’entreprise indienne, la plateforme biopharmaceutique sera en mesure de développer des unités de fabrication de médicaments. L’entité issue de la fusion aura à cœur de distribuer de nouvelles spécialités pharmaceutiques génériques, et de financer le développement de nouveaux médicaments, tout en rachetant d’autres sociétés biopharmaceutiques africaines pour peser davantage. Ambitionnant de se déployer sur de grands marchés africains à croissance rapide, elle ciblera des domaines thérapeutiques à forte demande tels que l’oncologie, le diabète, et les soins intensifs. Sa direction a été confiée à Hocine Sidi-Said (nommé Pd-g) et Alhadi Alwazir (en tant que directeur de la stratégie et du développement), tous deux dotés de décennies d’expérience dans le secteur pharmaceutique sur les marchés émergents, ainsi que de compétences éprouvées en matière de capital-investissement.

 

EnR : CrossBoundary Energy / ARCH Emerging Markets Partners’ Africa Renewable Power Fund / USAID (Kenya / Afrique / Maurice / Royaume-Uni / États-Unis)

Infrastructure Jabi Lake Mall au Nigeria, développée par CrossBoundary Energy, une branche du fonds CrossBoundary, qui a vocation à fournir de l’énergie solaire aux clients commerciaux et industriels (C&I) en Afrique. - © CrossBoundary

Infrastructure Jabi Lake Mall au Nigeria, développée par CrossBoundary Energy, une branche du fonds CrossBoundary, qui a vocation à fournir de l’énergie solaire aux clients commerciaux et industriels (C&I) en Afrique. - © CrossBoundary

CrossBoundary Energy (CBE), un fournisseur nairobien d’énergie solaire aux clients commerciaux et industriels (C&I) en Afrique, lève 34 M€ (40 M$) auprès d’ARCH Emerging Markets Partners’ Africa Renewable Power Fund (ARCH ARPF). À cette occasion, la  plateforme d'investissements lancée en 2015 offre aux investisseurs initiaux (dont l'initiative Power Africa de l'USAID, l’agence des États-Unis pour le développement international) une sortie à un taux de rendement interne net (TRI) de 15 %. Grâce à cet investissement en fonds propres du véhicule dédié à l’Afrique subsaharienne du spécialiste londonien des marchés émergents, la cible pourra poursuivre le développement, la construction et l’exploitation d’infrastructures solaires C&I sur le continent, où elle exploite actuellement 48 M€ (57 M$) d’actifs au service de vingt clients dans huit pays africains (Kenya, Rwanda, Ghana, Madagascar, Ouganda, Sierra Leone, Zambie et Nigeria). Pour CBE, il ne s’agit que d’une première étape, qui « soutiendra la prochaine phase d’une transaction plus importante, de [84 M€, soit 100 M$] qui nous permettra de faire passer le secteur C&I à l’échelle de l’Afrique, et ce faisant, de réduire encore les coûts énergétiques pour nos clients, de créer des emplois supplémentaires dans le secteur du solaire et de réduire considérablement les émissions de carbone », a expliqué Pieter Joubert, directeur des investissements de la société kényane. Celle-ci dispose à l’heure actuelle d’une capacité installée de 40 MW, ainsi que de 10 MWh de stockage d’électricité par batteries. La transaction consolide par ailleurs les ambitions africaines d’ARCH ARPF dans le secteur des énergies renouvelables. Quelques semaines plus tôt, le véhicule basé à Maurice avait injecté 2,7 M€ (3 M$) dans Sun Exchange, une plateforme sud-africaine de leasing solaire peer-to-peer basée sur la technologie blockchain (relire véhicule #95).

 

Services financiers : Chipper Cash / Ribbit Capital / Bezos Expeditions (Afrique / États-Unis)

Chipper Cash est une plateforme de transfert financier P2P basée à San Francisco, qui offre des solutions de paiement en Afrique, et secondairement en Europe. - © Chipper Cash

Chipper Cash est une plateforme de transfert financier P2P basée à San Francisco, qui offre des solutions de paiement en Afrique, et secondairement en Europe. - © Chipper Cash

Formidable coup de projecteur pour le secteur de la fintech africaine, le milliardaire américain et patron d’Amazon Jeff Bezos vient de mener son premier investissement dans une start-up active en Afrique. Réalisé via sa société de capital-risque (Bezos Expeditions), connue pour avoir financé entre autres Uber, Twitter et AirBnB, cet apport s’inscrit dans le cadre d’un tour de table de série B de 25 M€ (30 M$), mené par Ribbit Capital (Silicon Valley) au profit de Chipper Cash, une entreprise qui développe une application de services de paiement peer-to-peer (P2P). Bien que son siège social soit à San Francisco, elle a en effet été co-fondée en 2017 par le Ghanéen Maijid Moujaled et l'Ougandais Ham Serunjogi, et son activité est exclusivement tournée vers le continent africain. Elle y est présente au Ghana, en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie, au Rwanda, au Nigeria et en Afrique du Sud. La jeune pousse, qui revendique trois millions d’utilisateurs et traite en moyenne 80 000 transactions par jour, compte utiliser cette manne financière pour s'implanter sur de nouveaux marchés, tout en accroissant ses gammes de produits à la clientèle. « Nous allons demeurer une plate-forme de transfert financier P2P. Mais nos utilisateurs nous ont demandé d’offrir d’autres services à valeur ajoutée […] comme l’achat d’actifs de crypto-monnaie et les investissements en actions », a détaillé Ham Serunjogi au média américain TechCrunch. La médiatisation autour de la prise de participation de Jeff Bezos pourrait apporter un avantage stratégique majeur à l’entreprise bénéficiaire, sur un continent où la sécurisation des paiements entre les acteurs économiques demeure l’une des principales faiblesses du e-commerce. Près de six mois plus tôt, la fintech avait déjà collecté 11,6 M€ (13,8 M$) lors d’une levée de série A menée par les américains Deciens Capital et Raptor Group (relire bulletin #96). On constate ces derniers mois un intérêt croissant pour les sociétés de paiement évoluant en Afrique, avec par exemple l’acquisition de Sendwave par WorldRemit pour 421 M€ (500 M$), le rachat par le dubaïote Network International de la fintech kényane DPO, pour 240 M€ (288 M$), en août dernier (relire bulletin #100), ou encore celui de la start-up nigériane Paystack par le géant américain Stripe pour 170 M€ (soit 200 M$, relire bulletin #107).

 

Infrastructures : CEMAC / BDEAC / Afreximbank / BAD (Afrique centrale / Afrique / International)

La CEMAC a réussi à lever, lors d'une table ronde de bailleurs organisée à Paris à la mi-novembre, 3,8 Md€ pour financer onze projets d’intégration régionale dans les six pays membres. - © BAD

La CEMAC a réussi à lever, lors d'une table ronde de bailleurs organisée à Paris à la mi-novembre, 3,8 Md€ pour financer onze projets d’intégration régionale dans les six pays membres. - © BAD

Jackpot pour la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Au cours d’une table ronde organisée dans la capitale française les 16 et 17 novembre, les responsables de la Commission de la CEMAC - espace communautaire regroupant le Cameroun, le Congo, le Gabon, le Tchad, la RCA et la Guinée équatoriale - ont collecté 3,8 Md€ (près de 2 493 MdXAF) pour financer onze projets infrastructurels en cours dans la sous-région. Ce montant, qui dépasse l’objectif initial de 3,4 Md€ (2 230 MdXAF), s’ajoute aux près de 597 M€ (392 MdXAF) déjà mobilisés pour ces mêmes projets avant la rencontre de Paris. Le coût global de la réalisation des projets étant estimé à un peu plus de 4 Md€, c’est donc un succès inespéré pour la CEMAC. S’inscrivant dans le cadre du Programme économique régional (PER), ces projets intégrateurs d’infrastructures de transport et d’énergie, qui devraient être achevés entre 2021 et 2025, contribueront à accroître les valeurs ajoutées des économies et ainsi réduire le chômage et la pauvreté des six pays membres. L’identité des investisseurs (partenaires bilatéraux et multilatéraux, traditionnels et émergents, publics et privés) demeure confidentielle, à l’exception de la Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale (BDEAC) - qui injectera 470 M€ (308 MdXAF) au profit de six des onze projets retenus - ainsi que de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) et de la Banque Africaine de Développement (BAD). Selon le média Jeune Afrique Business+ (service digital d’informations économiques basé à Paris et ciblant les décideurs actifs sur le continent), le cabinet Fidal négocierait actuellement avec la CEMAC dans le cadre de la structuration des PPP. 

Le périmètre des projets a été fortement réduit, puisque initialement, ce sont 84 projets d’infrastructures qui avaient été identifiés. Selon le président de la Commission de la CEMAC, le Gabonais Daniel Ona Ondo, il s’agissait de tirer les leçons de l’échec du programme de réforme économique de 2010-2015, de voir émerger ces projets le plus rapidement possible - en dépit du contexte économique difficile - et surtout de profiter de l’occasion pour gagner en visibilité à l’international, en particulier auprès des bailleurs de fonds potentiels. Sept projets bénéficieront au Cameroun, pays locomotive de la CEMAC, avec par exemple la construction de la voie express Lolabé-Campo entre le Cameroun et la Guinée équatoriale, l’aménagement hydroélectrique de Chollet et des lignes électriques (Cameroun-Congo-Gabon-Centrafrique), ou encore l'interconnexion du Cameroun avec ses voisins par la fibre optique et l’université inter-États Cameroun-Congo.

 

Événement :

  • 25-26 novembre : neuvième édition des Assises de la transformation digitale en Afrique (ATDA 2020), organisées cette année par CIO Mag dans un format online, autour du thème de l’innovation en Afrique. Comment et pourquoi investir dans l’innovation africaine ?  L’objectif de cette édition des ATDA est de pousser à la réflexion autour des solutions innovantes, qui contribueront à l’amélioration des moyens de subsistance et à l’accélération du développement à travers le monde, en ciblant certains des Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, comme la santé, l’éducation, le changement climatique ou encore les infrastructures. L’idée est d’insister sur une approche systémique et méthodologique en vue d’aider à mieux structurer, manager, organiser, financer voire industrialiser cet écosystème encore balbutiant.

 

Et aussi...

  • Quelques mois après avoir remporté l’appel d’offres pour rénover l’autoroute Accra-Tema, au Ghana, le consortium franco-portugais Mota-Engil / Egis, secondé par African Infrastructure Investment Managers (AIIM), a vu son contrat annulé sans explications par les autorités ghanéennes.
  • D’ici la fin de l’année, un nouveau véhicule de Meridiam devrait être validé par l'Autorité des marchés financiers. Dédié à l’Afrique, il est actuellement en cours de structuration par le fonds français dédié aux infrastructures.
  • La Zambie est en passe de devenir officiellement le premier pays africain en défaut de paiement depuis le début de la pandémie. Ayant manqué mi-octobre une échéance de 33,7 M€, elle ne remboursera plus aucun créancier, mais poursuit pour l’heure les négociations en vue d’un rééchelonnement du remboursement.
  • En Côte d’Ivoire, la major franco-britannique Perenco envisage d’acquérir environ 51 % des actions sur le bloc gazier offshore CI-11, afin de relancer la production des champs vieillissants actuellement aux mains de l'État ivoirien.
  • Le fournisseur nigérian de solutions de paiement électronique Accelerex lève 16,9 M€ (20 M$) auprès de la firme de private equity nigériane African Capital Alliance (ACA), par l’intermédiaire de son quatrième véhicule d’investissement, CAPE IV. Axé sur l’Afrique de l’Ouest et multisectoriel, ce dernier est doté de 480 M€ (570 M$). Les ressources mobilisées financeront l’expansion de la cible en Côte d’Ivoire, au Kenya, en Tanzanie et en Afrique du Sud. Dans l’optique de renforcer son activité d’agent bancaire, la fintech nigériane née en 2008 vient par ailleurs d'acquérir une part majoritaire au sein de SLS Microfinance Bank, une société de services financiers basée à Abuja.
  • Au Cameroun, la filiale locale du groupe bancaire français Société Générale (SGC) et la Banque Européenne d’Investissement (BEI) mettent en place une ligne de crédit de près de 15 M€. Gérée par SGC, cette enveloppe permettra d’octroyer des appuis financiers aux PME du pays à des conditions souples.
  • LAgence Française de Développement (AFD) et la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) s’allient pour promouvoir le recours à la finance climatique, dans les plans de relance économique post-covid-19 élaborés par les gouvernements d’Afrique de l’Ouest.
  • La Société Financière Internationale (SFI ou IFC) vient de réaliser son premier investissement au Mali, en s’engageant à hauteur de 8,8 M€ (10,5 M$) au sein de Carrières et Chaux du Mali, un producteur de chaux vive (utilisée pour l’extraction de l’or) et de chaux agricole (employée pour amender les sols).

 

Bonne fin de semaine et à mardi prochain.

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